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des compensations en Belgique et qu’il m’a offert de s’en entendre avec nous. » Il ne déclinait pourtant pas toute idée de faire à la France sa part sur le Rhin, pas par exemple dans les territoires prussiens, où il serait difficile de décider le roi Guillaume à renoncer à une portion quelconque de ses possessions ; mais « on pourrait peut-être trouver quelque chose dans le palatinat, » c’est-à-dire en Bavière. On était toujours a beaucoup plus Prussien qu’Allemand, » et il y avait avec la Walhalla des accommodemens.

Le gouvernement français donna en plein dans le piège qui lui fut ainsi tendu, et il aida dès l’abord la Prusse à s’affranchir de tout contrôle de l’Europe, en travaillant à ces préliminaires de Nikolsbourg, signés le 26 juillet, qui consacraient l’exclusion de l’Autriche de l’Allemagne et constituaient une confédération du nord sous l’hégémonie du Hohenzollern. Cette grave atteinte au droit public et à l’équilibre du monde une fois concédée, et la guerre virtuellement finie, on se remit à parler de compensations. Dans une lettre adressée à M. de Goltz et datée de Vichy 3 août, M. Drouyn de Lhuys déclarait que l’empereur, son auguste maître, « n’a pas voulu compliquer les difficultés d’une œuvre d’intérêt européen en traitant prématurément avec la Prusse des questions territoriales ; » mais le moment semblait enfin venu d’aborder ces questions, d’autant plus qu’on se préparait à pratiquer de larges annexions au nord du Mein. « Le roi, avait écrit M. de Bismarck à M. de Goltz dès le 10 juillet, le roi attache moins de prix à la constitution d’une confédération politique du nord et tient avant tout à des annexions ; il préférerait abdiquer plutôt que de revenir sans une importante acquisition territoriale[1]… » Outre les duchés de l’Elbe en effet, dont l’abandon avait été stipulé à Nikolsbourg, la Prusse prétendait encore absorber les villes libres, le Cassel, le Hanovre, voire la Saxe, et aux Tuileries on pensait mesurer les exigences françaises d’après le nombre d’âmes et de lieues carrées que demanderait pour lui Guillaume le Conquérant. « La grande guerre pour la nationalité allemande » qu’avait recommandée à Biarritz le César populaire tournait de la sorte à ce « marché du bétail humain » tant reproché au congrès de Vienne, aux traités « maudits » de 1815, — et comment ne point reconnaître que la France joua là un rôle peu digne d’elle ? C’était de sa part renier à la fois le droit nouveau et le droit ancien, le principe de la volonté nationale aussi bien que celui de la légitimité des princes ; c’était de plus vouloir réaliser un gain illicite et en somme mesquin à

  1. Dépêche chiffrée interceptée par les Autrichiens et publiée dans la relation de la guerre de 1866 par l’état-major autrichien.