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s’il y a en ce point quelque différence substantielle entre les utopistes des clubs et les coryphées des œuvres ouvrières catholiques ? Les uns et les autres ne se proposent-ils pas de refaire la société suivant leur fantaisie, et ceux qui veulent reconstruire le passé sont-ils des esprits plus raisonnables et plus pratiques que ceux qui veulent construire l’avenir ? Nous ne doutons pas des bonnes intentions des promoteurs des œuvres ouvrières catholiques ; mais en vérité nous ne voyons pas en quoi ils se distinguent des socialistes, et si le congrès de Reims non plus que celui de Poitiers n’a rien eu de commun avec le congrès de Malines, ne pourrait-il en revanche avoir un certain degré de parenté économique avec les trop fameux congrès internationalistes de La Haye, de Lauzanne et de Genève ?


III

Nous avons remarqué que le congrès de Malines avait été institué par l’initiative d’un petit groupe de catholiques se rattachant par leurs opinions et leurs antécédens politiques à cette Union des catholiques et des libéraux, de laquelle était sortie l’indépendance de la Belgique. En dépit de l’encyclique de Grégoire XVI, condamnant toutes les libertés qu’avait consacrées sous leurs auspices la constitution du nouveau royaume, ils étaient demeurés fidèles à leurs convictions libérales, et ils n’attendaient pour les manifester que des circonstances opportunes. En 1863, l’encyclique de Grégoire XVI, vieille de plus de trente ans, commençait à être oubliée, et l’on n’avait pas perdu encore toutes les illusions qu’avaient fait éclore les premières années du pontificat de Pie IX. En outre la liberté des associations et des réunions, après être demeurée pendant vingt-cinq ans à peu près stérile, venait de donner naissance à une association en faveur de la liberté du commerce, qui s’efforçait de populariser en Belgique les meetings et les autres moyens de propagande usités en Angleterre. Un congrès tenu à Bruxelles en 1856 avait inauguré une brillante campagne libre-échangiste. Ces procédés nouveaux dont le succès de la Ligue centre les lois céréales avait constaté d’une manière si éclatante l’efficacité, les catholiques libéraux voulurent se les approprier à leur tour en les employant à battre en brèche le système de la protection appliqué à la religion. En allant au fond des choses, n’y avait-il pas une analogie singulière entre les doctrines et les vues des promoteurs de la liberté commerciale et celles des partisans de la liberté religieuse ? Ce qu’ils voulaient les uns et les autres, n’était-ce pas la substitution de la concurrence au monopole ? Le système qu’ils attaquaient n’avait-il pas été appliqué par les mêmes