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presse et plusieurs députés dévoilèrent la trame qui s’ourdissait dans le palais, et ces découvertes, comme il arrive toujours, mirent les choses au pis. Le moment d’agir en vue d’une révolution absolutiste devenait urgent. On obtint que le roi renvoyât son ministère, ministère de parti, mais constitutionnel, et appelât aux affaires les hommes que l’on croyait les plus capables de préparer et d’accomplir un changement dans la constitution de l’état. Je ne puis nommer ici, quoique je les connaisse, les instigateurs de ce coup d’état, que la voix publique accusait, mais dont l’action restait cachée. La prochaine enquête dévoilera peut-être leurs noms. Quoi qu’il en soit, on vit arriver aux affaires un ministère composé en partie d’hommes nouveaux sous la présidence du vieux politique hydriote Bulgaris ; le même qui avait contribué ai la chute du roi Othon. Durant l’été de l’année dernière, ce ministère, gagné au parti de la révolution absolutiste, procéda à de nouvelles élections, On n’avait jamais vu en Grèce les scrutins falsifiés avec une telle audace : des soldats renversaient les urnes et dispersaient les suffrages, des candidats étaient arrêtés, des citoyens emprisonnés chez eux, sans compter ce qui est le cortège ordinaire des mauvais gouvernemens et de ceux qui se préparent à trahir, un renouvellement total des administrations et une mise à l’écart systématique de tous les hommes libéraux.

Le résultat des élections ne fut pas tel que le ministère l’espérait, car il ne lui donna dans la chambre qu’une majorité très petite. La vérification des pouvoirs permit aux révolutionnaires de se compter, et de reconnaître que l’opposition formerait le petit nombre, s’ils se tenaient unis et s’ils validaient les élections même les plus évidemment falsifiées ; mais il arriva que la minorité, se sentant soutenue par la masse de la nation, sortit de la salle des séances et n’y reparut plus. Nous n’avons pas à examiner si cette manière d’agir était régulière et si elle méritait le blâme que la presse allemande lui a infligé. Il est certain que la constitution était plus que menacée, que la loi de l’état et la morale publique étaient profondément atteintes, et peut-être dans de telles circonstances y a-t-il un devoir supérieur qui oblige les représentans d’une nation à la sauver de l’abîme. Quoi qu’il en soit, la majorité ne fut plus en nombre pour voter les lois et ne put constituer une chambre ; peu de jours après la session fut close.

Après une absence de trois mois, la session de 1875 fut ouverte, et le problème n’avait pas fait un pas. Les partisans de la révolution se réunirent dans la salle des séances et ne purent réaliser la moitié plus un, nombre exigé par la constitution hellénique pour constituer la chambre : les plus grands efforts furent faits pour