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réhabilitation d’hommes et de choses que personne dans ma jeunesse, personne parmi les catholiques ne songeait à défendre. Je le déclare donc, j’éprouve une invincible horreur pour tous les supplices, et toutes les violences faites à l’humanité, sous prétexte de servir et de défendre la religion. Les bûchers allumés par une main catholique me font autant d’horreur que les échafauds où les protestans ont immolé tant de martyrs (mouvement et applaudissemens). Le bâillon enfoncé dans la bouche de quiconque parle avec un cœur pur pour prêcher sa foi, je le sens entre mes propres lèvres et j’en frémis de douleur (nouveaux applaudissemens)… L’inquisiteur espagnol disant à l’hérétique : La vérité ou la mort m’est aussi odieux que le terroriste français disant à mon grand-père : La liberté, la fraternité ou la mort (acclamations). La conscience humaine a le droit d’exiger qu’on ne lui pose plus jamais ces hideuses alternatives. » (Nouvelles et immenses acclamations.)


Au surplus, quoi qu’on fasse et quels que soient les regrets qu’inspire le passé, le passé ne peut pas renaître. L’église catholique ne peut plus prétendre qu’à la liberté. Les uns peuvent soutenir que c’est là un malheur, les autres que c’est un bonheur et un immense progrès. Ni les uns ni les autres ne peuvent nier que ce soit « un fait. » L’orateur se garde de le regretter. Il pense que le monopole est mortel à l’église, et il fait à l’appui une peinture ardemment colorée de la décadence du catholicisme, dans les pays où il a joui le plus longtemps et le plus complètement des bienfaits illusoires de la protection exclusive de l’état.


« L’Italie, l’Espagne et le Portugal sont là pour nous prouver l’impuissance radicale du système compressif, de l’antique alliance de l’autel et du trône pour la défense du catholicisme. Nulle part ailleurs, de nos jours, la religion n’a reçu de blessures plus cruelles ; nulle part ses droits ne sont ou n’ont été plus méconnus. Les gouvernemens des deux péninsules avaient prétendu y établir un blocus hermétique contre l’esprit moderne, et nulle part cet esprit n’a fait plus de ravages. Nous qui ne sommes plus jeunes, nous les avons connus avant leur chute, ces gouvernemens absolutistes et catholiques ; nous avons connu le despotisme plus ou moins éclairé, mais essentiellement clérical, de Ferdinand VII en Espagne, de Ferdinand Ier et II à Naples, de Charles-Albert en Piémont. Qu’en est-il résulté dans leurs royaumes ? Un engourdissement universel des âmes et des intelligences chez les honnêtes gens, une colère impuissante chez un petit nombre de gens zélés, chez les autres la passion fanatique du mal. On avait garrotté et étouffé l’esprit public, qui ne s’est réveillé que pour se livrer à l’ennemi. L’orage n’y a trouvé que des cœurs atrophiés par la suppression de la vie politique et