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ses membres, l’ancien oratorien Fouché, afin d’accélérer de nouveaux armemens contre les rebelles de la Vendée. Le futur duc d’Otrante, dont la mission était surtout militaire, ne sut que faire des discours patriotiques avec marche en musique et fanfares pour exciter le zèle des citoyens. C’était assez, paraît-il, car il revint satisfait des administrateurs et des administrés. Plus tard, en novembre 1793, ce n’était plus seulement l’ardeur militaire qu’il fallait développer, c’était l’esprit révolutionnaire, auquel la population était assez rebelle par nature. Sous l’inspiration d’un député de l’Aube, Garnier, plus violent dans son langage que dans ses doctrines, un comité révolutionnaire s’était formé au sein de la société populaire. Ce comité de douze membres s’arrogeait la suprématie sur toutes les autorités, il dépossédait les administrateurs légalement élus ; mais, pour briser les résistances passives des modérés, les gens du pays ne suffisaient pas. Ils demandèrent un chef ; le comité de salut public leur délégua un jeune homme de vingt-trois ans, Rousselin, l’ami et le protégé de Danton. Ce personnage, qui était alors l’un des orateurs les plus applaudis du club des jacobins, devenu plus tard comte de l’empire, est mort journaliste influent sous la restauration.

D’abord tout alla bien au gré du délégué. La commune avait déjà fait incarcérer des suspects ou les avait mis en surveillance. Toutefois des prêtres insermentés restaient encore libres, et les prêtres constitutionnels continuaient ostensiblement leur sacerdoce, Rousselin ordonna par un arrêté la fermeture des a maisons nationales connues sous le nom d’églises ; » l’évêque Sibille dut renoncer à ses fonctions. Cela ne suffisait pas au délégué ; il fit dresser la guillotine et voulut transformer le tribunal criminel en commission prévôtale pour juger les suspects. Sur le refus des membres de ce tribunal, il institua de son autorité propre un jury révolutionnaire. Alors les résistances commencèrent. De même que les magistrats, les jurés refusèrent de siéger à moins d’un décret de la convention. En attendant, Rousselin se donna la satisfaction de faire incarcérer tous ceux que l’on appelait les modérés, les royalistes, les ci-devant nobles. Les prisons ne suffisant pas, on enfermait les détenus dans le séminaire et dans les autres couvens. Pourtant il ne paraît pas que la discipline intérieure de ces lieux de détention fût bien sévère. On laissait quelquefois sortir les suspects pour vaquer à leurs affaires ; ceux qui étaient ou se disaient malades ou infirmes obtenaient la permission de rentrer chez eux.

Au milieu d’une population taxée de modérantisme suivant une expression de l’époque, de telles persécutions ne pouvaient s’opérer que contre le vœu des autorités élues. Aussi Rousselin ne tarda-t-il