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contenait que treize noms. Si peu que ce fût, il est vraisemblable qu’il y avait abus, et que tous ou presque tous les citoyens ainsi désignés pour être royalistes n’en étaient pas moins patriotes. On sait quels affreux massacres furent commis alors dans les prisons de Paris. L’assemblée législative avait banni en masse tous les prêtres insermentés. A Troyes, de même qu’en d’autres villes de la frontière de l’est, les officiers municipaux leur refusaient des passeports, prétendant qu’ils allaient, eux aussi, conspirer avec l’étranger. L’assemblée, réprimant cet excès de zèle, fit du moins respecter la loi qu’elle avait édictée.

C’était sur ces impressions qu’avaient lieu les élections pour la convention nationale. On conçoit que les amis des émigrés et les rares partisans de l’ancien régime n’avaient guère envie de se mettre en avant. Aussi les nouveaux députés de l’Aube furent-ils d’opinion plus avancée que leurs prédécesseurs. Néanmoins Danton, originaire du département, ne fut élu qu’à Paris. Les élus, presque tous assez obscurs, appartenaient plutôt au parti des girondins. La proclamation de la république ne souleva, ni dans la population ni dans les corps électifs, aucune protestation.


III

Jusqu’ici les récits de M. Babeau conservent une physionomie locale, une couleur provinciale très moquée. Après avoir montré ce qu’était une grande ville dans les années qui précédèrent 1789, ils font voir comment les idées révolutionnaires ont gagné du terrain au point d’occuper enfin toute la place. Il importe peu du reste que l’auteur s’en afflige ou que d’autres s’en réjouissent. Chacun tire des faits la conclusion qu’il lui convient. Le plus certain est qu’en ces trois années la révolution s’était opérée, qu’une société jusqu’alors passive s’était ouverte à la vie politique, que le pouvoir était passé en d’autres mains. En même temps la centralisation s’était établie. Dans ce qu’il nous reste à raconter, le département de l’Aube et son chef-lieu n’ont pour ainsi dire plus d’histoire, parce que ce qui s’y passe n’est qu’un pastiche anodin de ce qui se passe à Paris. L’histoire de la terreur à Troyes n’a rien des horreurs par lesquelles s’est signalée cette sinistre époque en d’autres provinces.

À ce moment, une même phrase revient sans cesse dans les discours et dans les rapports des meneurs du parti extrême : « Troyes n’est pas à la hauteur de la révolution. » C’est qu’en effet les diverses administrations de la ville, du district et du département, pour avoir été modifiées par de nouvelles élections, se composaient sinon des mêmes hommes, du moins d’hommes animés du même