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d’hommes, un ou deux de femmes, mais que l’état peut toujours supprimer quand il lui plaît. Hors des couvens, elle n’a point de ces congrégations en grande partie composées de laïques et s’insinuant dans les affaires des familles comme dans celles de l’état, associations presque entièrement clandestines qui sont le principe destructeur et le véritable fléau des peuples latins. On peut donc dire qu’il n’y a en Grèce aucun problème religieux de quelque importance et qu’en cela elle peut marcher sans obstacle dans la voie de la civilisation ; mais, comme pays libre, elle n’est pas seulement le modèle qu’ont toujours devant eux les autres peuples helléniques encore soumis à l’étranger, elle est aussi le centre politique et religieux auquel ils s’efforcent de se rattacher. Tout problème religieux qui s’agite dans les pays occupés par les Ottomans devient un problème pour ainsi dire athénien ; toute solution fâcheuse y est une atteinte portée à la Grèce indépendante. Les lois relatives aux mariages et aux naissances, et qui exigent que dans un mariage mixte les enfans soient de religion grecque, sont une preuve de l’importance que l’on attache à la conservation de l’unité religieuse du panhellénium. Tant qu’il existera des Hellènes soumis à la domination musulmane, cette importance demeurera la même, car là où l’unité politique fait défaut, où les principes des gouvernemens et des législations sont en contradiction formelle, le seul lien et la seule force qui reste à une race dispersée, c’est l’unité religieuse.

Dans le monde hellénique, on ne voit jamais se produire une question de doctrine : les dogmes sont fixés depuis des siècles ; personne ne songe à les examiner, à les discuter, à les modifier ou à en introduire de nouveaux. Quand l’église romaine souleva dans ces derniers temps la question de l’infaillibilité du pape, les Grecs furent comme stupéfaits ; ils ne virent là qu’une affaire politique et un dernier effort pour retenir un pouvoir usurpé qui échappait. Si par impossible l’idée d’un pareil article de foi venait à quelques évêques-ou à quelque patriarche de l’église d’Orient, ce serait dans tout le monde hellénique un immense éclat de rire, et l’on se dirait les uns aux autres, comme Virgile à Dante : guarda e passa ! Les questions de hiérarchie ont au contraire le premier rang chez les peuples grecs et intéressent au même degré tous les membres, libres ou esclaves, de la famille, car c’est avec la race le seul lien qui les tienne unis.

Nous avons assisté dans ces dernières années à l’un des plus grands déchiremens qu’ait soufferts depuis plusieurs siècles l’église d’Orient. Les lecteurs savent que les églises grecques sont gouvernées par des synodes locaux qui choisissent et que président les évêques métropolitains. Ces conseils sont indépendant chacun dans