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UN
NOUVEAU CULTE EN ALLEMAGNE

LA FETE D'ARMINIUS

Les mois d’été sont la saison morte de la politique, et les peuples ne sauraient mieux les employer qu’à fêter leurs saints, car il est bon de ne pas oublier ses saints, on peut avoir besoin d’eux un jour ou l’autre. Encore importe-t-il de les bien choisir ; ils ne sont pas tous également vénérables. Il en est d’inutiles, qui ne guérissent de rien, comme dit le proverbe ; il en est même de nuisibles et de pervers, avec lesquels il faut rompre tout commerce. Un voyageur anglais, le capitaine Thomas Smith, rapporte, qu’un roi de Nepaul, Rum-Bahadur, qui aimait tendrement l’une de ses femmes, eut le chagrin de la voir défigurer par la petite vérole. Dans sa juste fureur, il maudit ses médecins et ses dieux, et se promit d’en tirer une vengeance exemplaire.. Il commença par fouetter les médecins, leur fit couper le nez et l’oreille droite. Les dieux eurent leur tour. Le vindicatif souverain les accabla d’injures, leur reprocha de lui avoir extorqué sous de faux prétextés 12,000 chèvres, 2,000 gallons de lait et plusieurs quintaux de confitures. Puis il fit amener devant le palais toute son artillerie, les pièces furent chargées jusqu’à la gueule, et au bout de six heures d’une canonnade bien nourrie le Népaul n’avait plus de dieux. Ce procédé peut sembler un peu brutal, nous ne le proposons point en exemple. Il n’en est pas moins vrai que les peuples comme les rois, sont bien conseillés quand ils mettent à pied les faux saints ; quand ils réservent leurs hommages pour ceux de leurs patrons qui furent dignes de l’être, pour ceux qui eurent de bonnes intentions et l’humeur débonnaire, pour ceux qui guérissent les hommes non-seulement de la variole, mais des mauvaises pensées,