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Désireux de sanctionner cette fusion en abandonnant tout ce qui rappelait leur ancienne condition de secte particulière, quelques unitaires ont même proposé la suppression de leur dénomination traditionnelle, et dans le courant de 1872 ils ont fondé, sous le nom de chrétiens libres (free christians), une association religieuse ouverte « à tous ceux qui croient l’homme tenu, non de posséder la vérité religieuse, mais simplement de la poursuivre sérieusement, et qui demandent la satisfaction de leurs besoins religieux aux sentimens de piété filiale et de charité fraternelle, avec ou sans accord dans les matières de théologie doctrinale. » Un an plus tard, les chrétiens libres célébraient solennellement leur premier anniversaire dans le grand temple maçonnique de Queen’s street. Parmi les ministres qui participèrent à cette cérémonie religieuse, on, voyait figurer M. Athanase Coquerel, de l’église réformée française, et même un membre de l’église anglicane, le révérend G. Kegan Paul. Les free christians n’auraient pu mieux affirmer leur prétention d’embrasser toutes les sectes du christianisme dans une église universelle fondée non plus sur ce que Channing appelait une « dégradante uniformité de dogmes, » mais sur cette communauté de sentimens qui permet de concilier l’indépendance de la pensée individuelle avec les liens de l’association religieuse.

Les diverses congrégations comprises sous le nom d’unitaires sont actuellement, d’après l’Unitarian Almanac, au nombre de 365 dans la Grande-Bretagne. La capitale seule en compte 25, installées un peu partout dans des chapelles de fer ou de briques, dans des music halls, dans des temples grecs et des églises gothiques. Ma première visite fut pour la chapelle de Little-Portland street, qui doit une certaine célébrité à son ancien ministre, le révérend J. Martineau[1], aujourd’hui retiré dans la direction d’un collège unitaire, le New Manchester College. Lorsque je m’y rendis un dimanche matin, je trouvai aux abords une file d’équipages qui indiquaient une assistance assez relevée. En effet les unitaires, comme le démontrent les listes publiées par la British and foreign unitarian Association, se recrutent surtout dans les classes supérieures de la bourgeoisie, bien que certaines de leurs congrégations, dans les quartiers pauvres, soient exclusivement formées par les classes inférieures. La chapelle, dont le fronton en style grec s’encastre dans l’alignement général de la rue, n’offre aucune particularité qui la distingue de la plupart des temples évangéliques. L’autel ne supportait d’autres ornemens qu’une image sculptée du Christ ; il était du reste à demi masqué par une chaire fort élevée qui occupait le milieu du chœur, côte à côte avec le pupitre du desservant.

  1. Voyez l’étude de M. Charles de Rémusat sur les Controverses religieuses en Angleterre dans la Revue du 1er janvier 1859.