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swédenborgiens, qui acceptent comme d’origine céleste les révélations du fameux mystique suédois, — les irvingites, qui, sous le nom d’église catholique et apostolique, se sont bâti dans Gordon square une véritable cathédrale pour y proclamer à l’aise le retour de l’âge prophétique, — les baptistes du septième jour, qui célèbrent le sabbat au lieu du dimanche, — les christadelphiens, qui nient l’immortalité de l’âme et qui ont ressuscité la théorie du millenium, — les joannistes, qui s’attendent à la seconde incarnation du Christ, — les sandemariniens ou glassites, qui admettent le paradis, mais qui repoussent l’enfer comme le purgatoire et qui communient en s’embrassant les uns les autres, — les gens à part (peculiar people) ; dont on connaît les démêlés avec la justice pour leur obstination à repousser médecins et remèdes dans les maladies de leurs enfans, — enfin ces congrégations que la voix populaire a surnommées les trembleurs (shakers), les sauteurs (jumpers), les hurleurs (tabernacle ranters). À côté de ces excroissances parasites du protestantisme se montre un mouvement d’idées qui représente au contraire le couronnement logique et inévitable de la réforme : je veux parler des églises rationalistes.

Chez les nations protestantes, la multiplicité des sectes laisse le champ libre à une série de croyances graduées entre la foi la plus aveugle et le scepticisme le plus absolu. Si nous prenons les termes extrêmes de cette série, entre ritualisées et déistes la distance est à peu près aussi grande qu’entre catholiques et libres penseurs ; mais cette distance est comblée par toute une échelle de sectes qui nous montre les partisans de la broad church se rapprochant des unitaires dans les limites de la liturgie anglicane, les unitaires avancés se transformant à leur tour en purs théistes par une simple suppression d’étiquette, les théistes passant ensuite aux déistes ou « théistes libres » par la négation de la personnalité divine, enfin les déistes eux-mêmes confinant au scepticisme positiviste. En Angleterre, il existe d’ailleurs une autre raison encore pour expliquer le développement des églises rationalistes. C’est l’idée essentiellement anglaise, — — le préjugé si l’on veut, — qu’il n’est pas respectable de ne pas assister le dimanche à un office religieux. Comme l’opinion ne s’inquiète pas si cet office est anglican, catholique, dissident ou même rationaliste, pourvu qu’il soit célébré devant une « congrégation » par un « ministre » d’une dénomination quelconque, on conçoit que les esprits avancés aient accueilli le seul moyen de concilier l’indépendance de leurs convictions avec les exigences de l’usage. Et qu’on ne se hâte pas de crier à l’hypocrisie d’une part, à l’intolérance de l’autre ! Une fois qu’il s’agit simplement de consacrer quelques quarts d’heure par semaine à écouter un sermon, voire une « lecture » débitée entre deux points d’orgue par un orateur