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votre sol est riche, et vous donne de quoi dépenser beaucoup ; mais vous n’avez pas le génie commercial, qui est avant tout le génie de la production. Vos chiffres témoignent de votre prospérité, non de votre énergie ; ce sont des résultats, non des promesses, de la richesse acquise, non des sources intarissables de richesse. — Les chiffres répondent que nos entrées et nos sorties se balancent, et que les exportations surtout sont en progrès. Ils montrent encore que la Grande-Bretagne, cette immense fabrique, consomme plus qu’elle ne vend. Serait-ce par hasard affaiblissement chez elle, diminution des moyens producteurs ? — Enfin, dit-on, vous ne lutterez jamais avec l’Angleterre, vous êtes des utopistes, le libre échange vous tuera. — Nous retournons au tableau des douanes, et nous constatons que la France est le plus grand pourvoyeur de l’Europe : elle lui fournit tout juste pour 2 milliards 682 millions de produits ; c’est 2 millions de plus que la Grande-Bretagne. Que répondre à cela ? Que nos marchandises sont toutes menues, et ne tiennent guère de place sur un navire ? que la houille au contraire est un fret magnifique ? La délicatesse de la fabrication n’exclut donc pas un grand commerce. — Soit, mais vous êtes parfaitement nuls dans les contrées lointaines. — Nuls, c’est beaucoup dire. Les États-Unis se défendent contre nous à coups de tarifs, et pourtant notre ancien chiffre d’affaires dans ce pays, s’il n’augmente guère, ne décroît pas non plus. En Afrique, notre situation est très supportable ; ce n’est pas encore un gros revenu ; mais quelle nation, y compris l’Angleterre, peut se vanter d’exploiter à fond l’Afrique ? Quoi qu’on en dise, nous ne sommes pas trop battus dans la Méditerranée, et les progrès de l’Italie en Égypte n’ont pas de quoi nous effrayer. En Asie et en Océanie, c’est vrai, notre désavantage est extrême, et l’Angleterre fait plus d’affaires avec la Chine que nous n’en faisons avec tout cet hémisphère. C’est là notre point le plus faible : reconnaissons en Océanie la supériorité d’un petit peuple comme la Hollande. Admettons qu’il y a des peuples plus hardis, plus entreprenans que nous, plus pénétrés de l’esprit commercial, que, même en Europe, nous avons trop négligé les pays du nord, et qu’il faut déployer nos voiles pour aller plus loin ; mais bornons là nos concessions, et tâchons de démêler les symptômes d’un meilleur avenir.

Presque partout une nouvelle impulsion coïncide avec les réformes de 1860. Ainsi les transactions avec la Russie, de 82 millions en 1859, s’élèvent à 266 millions en 1871. Les affaires avec la Suède passent de 19 millions à 50, avec la Norvège, de 28 millions à 44, et l’on peut dire que ces pays font vers nous les premiers pas, car leurs envois dépassent de beaucoup nos expéditions. Dans nos rapports avec nos voisins les plus proches, les Belges et les Anglais, voici des faits significatifs : les entrepôts de ces