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en plus en relation écrite les uns avec les autres, on sera assurément tenté d’admettre que tous les peuples adopteront un jour un seul et même alphabet, conséquemment un procédé uniforme d’écriture, Cette unification graphique, dont on pourrait voir l’avant-coureur dans l’unification des poids et mesures et des monnaies, présente toutefois de grandes difficultés. Si elle est désirable, si elle n’est pas impossible, elle demande au moins la solution préalable de bien d’autres problèmes du même genre et fort embarrassans à résoudre. Un alphabet unique, c’est déjà la moitié du chemin fait pour arriver à une langue universelle, car une telle unification entraînerait dans chaque idiome des changemens d’orthographes et par suite de prononciations qui auraient pour effet d’effacer bien des différences entre les diverses langues. On peut juger de la difficulté par celle qu’offre un problème assurément moins complexe, l’adoption d’un même système de transcription pour rendre les mots appartenant aux langues orientales. Chaque peuple, presque chaque auteur, a pris l’habitude de représenter à sa guise, et selon l’orthographe de sa langue, les sons que traduit tel ou tel mot de l’un de ces idiomes, de représenter telle lettre de l’alphabet arabe ou tibétain, tel son chinois ou japonais par une lettre ou un assemblage de lettres. Il règne à cet égard une singulière confusion qui a pour effet de dénaturer les noms orientaux lorsque ceux-ci passent d’une population européenne à l’autre. C’est ce qui arrive notamment pour tous ces noms géographiques que nous fournissent les Anglais et les Anglo-Américains, qu’ils apportent de l’Inde ou du far-west sous le déguisement de leur propre prononciation ; nous adoptons leur orthographe, et nous nous faisons alors souvent de ce que ces mots sont réellement la plus fausse idée. Le problème de la transcription des noms a fort occupé certains savans. Le célèbre voyageur Volney, qui, après Maimieux et de Brosses, tenta de composer un alphabet harmonique propre à représenter tous les élémens possibles de la parole, échoua. La solution du problème exigerait qu’on se fût préalablement mis d’accord sur le nombre de ces élémens mêmes, et on ne l’a point encore fait. Ainsi, tandis que, suivant un philologue français récemment enlevé à la science, M. Eichhoff, le nombre des articulations simples se réduit à 50, Büttner en compte plus de 300. Le désaccord qui règne à cet égard a fini même par faire abandonner l’étude de la question, si bien que le prix fondé à l’Institut par Volney en faveur de celui qui la résoudrait a dû être transformé en un prix de philologie comparée dont l’établissement a porté de bien meilleurs fruits. On s’est pourtant entendu pour diverses natures de son ; quelques-uns des systèmes proposés répondent dans une certaine mesure au but à atteindre. Je citerai celui d’un célèbre égyptologue allemand, M. Lepsius, auquel plusieurs philologues