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des innombrables transformations de l’écriture latine. Une telle variété dans le tracé rend difficile une classification quelque peu rigoureuse, d’autant plus que dans ces métamorphoses l’homme a procédé comme la nature, non par changemens brusques, mais par modifications insensibles. On peut cependant distinguer trois grandes époques, et dans chacune un certain nombre de nuances. La première époque s’étend de l’établissement des barbares au XIIIe siècle ; la seconde va du XIIIe au commencement du XVIe ; la troisième arrive jusqu’à nos jours.

Pour les deux premières, les dimensions et la forme des lettres nous fournissent trois classes assez nettement définies : les majuscules, usitées dans les inscriptions, sur les monnaies, pour certains titres, certaines initiales, — les minuscules, généralement employées pour les œuvres littéraires, et les cursives, adoptées pour les actes ; toutefois on reconnaît plusieurs variétés de chacune de ces espèces d’écritures. Durant la première période du moyen âge, l’écriture capitale, héritière directe de l’ancien alphabet latin, n’a plus ces formes majestueuses et régulières que nous admirons au fronton des temples, au socle des statues, sur les bornes milliaires élevées par les Romains aux premiers siècles de l’empire. Les capitales ont perdu beaucoup de leur élégance ; elles finissent par n’être plus que maladroitement dessinées et par constituer ce qu’on a appelé les capitales rustiques. Dans les manuscrits surtout, on préféra des caractères dont le tracé exigeât moins de soin et de sûreté de main, dont les traits affectassent moins de légèreté et de souplesse ; les scribes adoptèrent des majuscules d’une forme plus lourde qui n’était pour ainsi dire qu’une sorte de cursive dont on avait forcé les dimensions, grossi les caractères, au point de leur (donner un pouce de longueur, ou, comme disaient les Romains, une once (uncia), car l’once était la douzième partie de leur pied ; de là le nom d’écriture onciale imposé à cette sorte de majuscules qui n’a pourtant pas toujours, à beaucoup près, une once de haut. Comme c’était particulièrement le tracé des lignes droites, la régularité des angles qui demandaient dans la capitale du temps et de l’adresse, on arrondit dans l’onciale les lignes ; les hastes et les jambages se recourbèrent, on allongea souvent les queues. L’onciale fut, comme l’appelle judicieusement Schönemann, la cursive de la capitale. Les anciens Romains avaient employé pour l’usage journalier des caractères plus faciles à tracer et moins détachés les uns des autres que ne le sont les lettres capitales ; ce type cursif s’était modifié graduellement sous l’influence de diverses causes entre lesquelles il faut mentionner la substitution de la plume d’oie, de grue ou d’autre oiseau au calame ou roseau dont on s’était jusqu’alors servi de préférence, substitution qui s’opéra du Ve au VIIe siècle. Les