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commencement du Ve siècle de notre ère, un prélat arménien nommé Mesrob, en prenant pour modèles les lettres zend, inventa, si l’on en croit la tradition, les alphabets arménien et géorgien.

Ce n’est pas seulement au nord et à l’est de la Syrie que l’alphabet phénicien rayonna pour appeler à la vie une quantité d’écritures ; il se propagea encore au sud, en Arabie, où se forma un alphabet d’une physionomie particulière qui devait faire souche à son tour et laisser une puissante postérité. Cet alphabet est l’himyaritique, que nous ont fait connaître de nombreuses inscriptions dont l’interprétation exerce depuis plus d’un quart de siècle la sagacité des philologues. La langue à laquelle elles appartiennent, bien que sémitique, est assez différente de l’arabe, qui l’a aujourd’hui remplacée ; elle se rapproche par certains points de l’hébreu, et des vestiges semblent s’en être conservés dans le dialecte ehkili. L’écriture himyaritique est, selon toute apparence, celle que les historiens arabes mentionnent sous le nom de musnad. Nous ignorons à quelle date il faut rapporter l’institution de cet alphabet, certainement antérieur à l’islamisme, et dont la forme archaïque paraît remonter à une époque très reculée, a Peut-être, écrit M. E. Renan dans son Histoire générale des langues sémitiques, la tradition du séjour des Phéniciens en Arabie, sur les bords de la Mer-Rouge, trouverait-elle en ceci sa confirmation. » Espérons que les études comparatives auxquelles ne manquera pas de donner lieu le corpus d’inscriptions sémitiques que prépare l’Académie des inscriptions, et qui a déjà provoqué d’importantes découvertes, éclaireront un jour ce problème. L’alphabet himyaritique usité dans l’Yémen s’éloigne déjà notablement de son prototype phénicien ; mais ses dérivés s’en écartent encore davantage, car de l’alphabet himyaritique est sorti l’alphabet ghez ou éthiopien, plus riche en lettres que son père ; la voyelle s’y joint à la consonne sous forme d’un signe particulier ou est indiquée par la modification légère qu’éprouve la configuration de la consonne même ; de sorte que l’alphabet éthiopien garde le caractère d’un véritable syllabaire. Quand la langue amharique prit en Abyssinie la place du Vieil éthiopien, il en adopta l’alphabet en y ajoutant sept lettres nouvelles pour exprimer des articulations qui lui étaient propres. Par quel intermédiaire l’antique alphabet de l’Yémen, qui fournissait à l’Ethiopie son écriture, où les lettres se disposèrent comme chez les Grecs, de gauche à droite, fut-il porté à l’extrémité de l’Afrique septentrionale, en Libye et jusqu’en Numidie ? Nous l’ignorons. Tout ce qu’on a pu constater, c’est une parenté entre les lettres himyaritiques et celles de l’écriture dite tifinag, dont on a trouvé des monumens en Algérie et au pays des Touareg. Le déchiffrement de ces inscriptions exerce encore la sagacité des érudits. Ce