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ayant été écrite de droite à gauche selon la méthode sémitique, la seconde l’était de gauche à droite. Cette dernière direction finit par prévaloir ; elle est celle qu’avaient adoptée bien antérieurement les Assyriens. Les changemens que subirent dans leurs formes les caractères grecs engendrèrent différens alphabets, qui se distinguent à la fois par la physionomie et le nombre des lettres. Les inscriptions de Théra sont écrites avec un alphabet de vingt-trois lettres. M. Kirchhoff, à qui on doit un très intéressant travail sur l’histoire de l’alphabet grec, admet qu’à une époque déjà reculée une division s’opéra dans le mode d’écriture entre les peuples grecs, les uns restant fidèles aux types de l’Orient, et les autres, ceux qui étaient établis à l’Occident, altérant notablement ces formes. De là deux alphabets archaïques : l’alphabet oriental, où l’on compte 26 lettres, et l’alphabet occidental, qui n’en a que 25 ; mais les archéologues reconnaissent plus ordinairement pour la Grèce antique quatre alphabets ayant des formes nettement distinctes, offrant chacun certaines lettres particulières et renfermant un nombre différent de caractères : 1° l’alphabet éolo-dorien, comprenant diverses variétés et où l’on rencontre 28 lettres, 2° l’alphabet attique, qui n’en a que 21, 3° l’alphabet ionien, qui en a 24, et 4° l’alphabet des îles, qui en offre 27. Le premier de ces alphabets, usité dans la Thessalie, la Béotie, l’Eubée et une grande partie du Péloponèse, fut porté en Italie par les colonies helléniques de la Sicile, et de la Campanie ; il y donna naissance : 1° à l’alphabet étrusque, dont des variétés apparaissent dans celui dont firent usage pour leur idiome d’autres populations du centre de l’Italie, les Ombriens, les Osques, les tribus dites sabelliques, 2° à l’alphabet latin, auquel il était réservé de devenir le prototype des alphabets de l’Europe occidentale. Des quatre alphabets grecs, celui des îles eut l’aire la moins étendue ; quant à l’alphabet athénien, il ne resta en usage en Attique que jusqu’à la fin du Ve siècle avant notre ère. Sous l’archontat d’Euclide, les Athéniens l’abandonnèrent pour l’alphabet ionien de vingt-quatre lettres, et leur exemple fut bientôt suivi par tous les peuples de la Grèce proprement dite, qui ne connurent plus désormais qu’un seul alphabet, celui dont on se sert encore pour écrire le grec. Nous ne savons que peu de choses de l’histoire de l’écriture en Asie-Mineure. Le petit nombre d’inscriptions lyciennes, phrygiennes et cariennes qu’on a recueillies nous offrent des lettres assez distinctes de celles des Hellènes. Les Lyciens notamment faisaient usage de certains caractères étrangers à l’alphabet grec, bien que la forme de la plupart de leurs lettres rappelle beaucoup celui-ci. A en juger par la physionomie extérieure des caractères, les peuples des provinces occidentales de l’Asie-Mineure doivent plutôt avoir reçu des Grecs que des Chananéens le bienfait de l’écriture.