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à peu, comme nous le montrent l’égyptien et le nahuatl, de tenir ce signe pour l’expression du son initial ou dominant du mot. C’est ce qu’on a appelé la méthode acrologique. On arrivait dès lors à écrire phonétiquement par le procédé du rébus ; cependant l’objet figuré représentait, non l’ensemble des sons compris dans le nom qu’il portait, mais seulement le son principal. Les Nahuas voulaient-ils par exemple écrire le nom du roi Itzcoatl, ils dessinaient des flèches à pointe d’obsidienne, pierre qui se disait dans leur idiome itzli, à l’entour de la figure d’un serpent, animal appelé dans le même idiome cohuatl. Le phonétisme acrologique faisait lire la figure de la flèche itz pour itzli, et l’on avait alors, à l’aide d’un véritable rébus, le nom d’Itzcoatl. Les images prises pour des expressions de sons chez les anciens Mexicains finirent de la sorte par représenter des syllabes, même de simples voyelles, et on les combinait pour écrire les mots polysyllabiques. C’était, comme on voit, un phonétisme très imparfait, fondé souvent sur une sorte de calembours par approximation, et qui devait donner lieu à de fréquentes erreurs, une place déterminée correspondant à celui de la syllabe dans le mot n’étant point assignée à chaque caractère. Les figures hiéroglyphiques des Mexicains, tout en étant quelquefois employées avec leur sens idéographique, fournissaient aux derniers temps de la littérature nahuatl de véritables lettres ou plutôt des signes syllabiques. Ainsi l’image de l’eau (atl), par suite de l’extension de la méthode acrologique, représentait le son a, celle de la fève (etl) le son e, celle de la main (maitl) le son ma, celle d’un autel (en nahuatl momoztli) la syllabe moz, etc. Quand plus tard on essaya de traduire en hiéroglyphes mexicains des mots espagnols ou le latin des prières de l’église, on sentit l’imperfection d’un tel syllabaire, car les signes faisaient défaut pour représenter-une foule de sons étrangers au nahuatl. Il fallut se contenter de très grossiers à-peu-près. Voulait-on par exemple écrire amen, on associait l’hiéroglyphe de l’eau (en mexicain atl), prononcé a, à l’image de la plante agavé, qui s’appelait metl dans le même idiome, et l’on avait de la sorte le mot ametl, vocable approchant de l’exclamation hébraïque adoptée dans la liturgie chrétienne. Pour rendre pater noster, on recourait à des assimilations de sons analogues, et au moyen d’hiéroglyphes phonétiques correspondans on écrivait pan-tetl-noch-tetl. Le procédé acrologique a été appliqué par les Égyptiens à peu près de la même façon que le faisaient les Nahuas, comme le remarque M. F. Lenormant dans son livre sur l’Histoire de la propagation de l’alphabet phénicien.

L’emploi des images à valeur phonétique n’amena pas, je l’ai