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domine les mamelons qui forment la plus grande partie de son territoire ; plus haut encore dans la montagne se trouve le village indigène des Beni-Boukhalfa avec ses plantations de figuiers et d’oliviers ombrageant les flancs du Bellona. Les terres de cette région sont très fertiles, bien qu’un peu fortes ; plusieurs endroits en sont boisés, et cependant la salubrité n’en était pas parfaite. Ce reproche, il est vrai, est applicable à toute la vallée du Sebaou, où les marais formés par la stagnation des eaux de pluie et le débordement du fleuve dégagent, à l’époque des grandes chaleurs, des miasmes pernicieux. Toutefois, en Afrique, dire d’une région qu’elle est peu salubre ne signifie pas qu’on ne puisse l’assainir. Les bords du lac Halloula, dans l’ouest de la Mitidja, étaient autrefois réputés mortels ; le dessèchement et les plantations ont fait disparaître les fièvres comme par enchantement ; on citerait cent exemples semblables. Tout arbre de cinq ans sauve la vie d’un homme, c’est là-bas un adage. Pénétrée de ce principe, à peine en possession du territoire, la société s’est empressée de mener à bonne fin l’œuvre de M. Dollfus, poursuivant les travaux de dessèchement des parties basses et marécageuses, multipliant partout les plantations en dehors de celles qui incombaient à l’administration du génie, si bien qu’on ne peut douter aujourd’hui qu’avant trois ans Boukhalfa ne soit un des villages les plus sains et les plus rians de la Kabylie.

Au reste en toute chose la société a suivi pour l’installation de ce centre la même méthode qu’elle avait adoptée et qui lui avait si bien réussi à Azib-Zamoun. Quand elle succéda à M. Dollfus, l’assiette du village, les chemins d’accès ainsi que les autres travaux préliminaires étaient terminés. Elle prit aussitôt des mesures pour ajouter vingt maisons nouvelles aux dix déjà bâties et occupées ; quelques retards dans la construction n’ont pas permis d’y envoyer des colons dès l’automne dernier, d’autant qu’il importait d’assurer avant leur arrivée l’assainissement du pays. En attendant, les terres laissées libres ont été louées aux indigènes moyennant un quart des récoltes ; les grains o.u fourrages ainsi obtenus sont distribués à titre d’avance aux familles déjà sur les lieux ; la société en effet a voulu faire participer les colons de M. Dollfus à tous les avantages en fournitures de vivres, de meubles ou de cheptels dont doivent jouir les siens ; encore ces familles avaient-elles reçu au début leurs maisons en toute propriété : elles n’auront donc rien à rembourser de ce chef. Vu la nature des terres, assez dures à travailler, le lot de chaque concession a été fixé à 30 hectares en moyenne ; une portion non allotie est tenue en réserve et servira de communal. Sur les pentes, la vigne, promet de venir fort bien ; plusieurs milliers de ceps sont déjà plantés, et parmi les colons qui vont être envoyés on aura soin qu’aux laboureurs soient mêlés quelques vignerons.