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En somme, l’état et la commission elle-même, débordés par les circonstances et tenus à l’économie la plus rigoureuse, avaient songé bien moins à faire de la colonisation en règle qu’à parer du mieux possible aux nécessités premières des immigrans ; mais peut-être une personne morale comme la société de protection, suffisamment riche et libre de ses actes, pouvait-elle sur un théâtre plus restreint essayer davantage. Certaines précautions semblaient s’imposer d’elles-mêmes : qu’avant toute chose on fît choix d’emplacemens salubres, pourvus de routes et d’eau potable, qu’on prît soin d’y construire des habitations définitives, qu’on réunît le mobilier, le matériel et les semences nécessaires, et qu’alors seulement on fît venir les colons, — que tous ces colons scrupuleusement choisis fussent de vrais cultivateurs, laborieux et honnêtes, que le nouveau centre fût exclusivement composé d’Alsaciens-Lorrains parlant la même langue, ayant les mêmes mœurs, afin que la transplantation en devînt plus facile, qu’on surveillât leur installation, qu’on leur continuât, aussi largement qu’il serait utile, les avances et les secours ; on aurait ainsi des villages modèles où toutes les conditions de succès se trouveraient réunies et dont la prospérité rapide ne manquerait pas d’avoir sur la colonisation la plus heureuse influence. Qui empêchait en effet que l’exemple donné par quelques-uns, dans un dessein d’humanité et de patriotisme, ne fût suivi par d’autres, dans des vues de spéculation moins élevées sans doute, mais profitables encore aux intérêts généraux du pays ?

Tel est le plan que la société de protection fut unanime à adopter. Elle y voyait en effet, tout en restant fidèle à son rôle et en rendant service à nos malheureux compatriotes, un moyen de hâter le peuplement si désiré de l’Algérie. M. le comte d’Haussonville n’était pas le moins enthousiaste de cette idée. Sans souci du poids des ans ni des fatigues du voyage, il partit aussitôt pour Alger en compagnie de M. Guynemer ; il se mit en rapport avec les autorités de la colonie, rencontra partout l’accueil le plus favorable, et, après avoir visité en personne les divers territoires qui lui avaient été indiqués, fixa son choix sur trois points : Azib-Zamoun et le Camp-du-Maréchal dans la province d’Alger, Aïn-Tinn dans celle de Constantine. Deux conventions à ce sujet furent conclues entre la société et le gouvernement de l’Algérie ; elles portaient que les territoires en question seraient mis à la disposition de la société de protection pour y installer à ses frais des colons alsaciens-lorrains ; le peuplement devait être effectué avant deux ans, à partir du 1er octobre 1873, en ce qui concerne Aïn-Tinn et Azib-Zamoun, — pour le Camp-du-Maréchal, où certains travaux d’assainissement étaient nécessaires, à partir du jour seulement où ces travaux auraient été terminés. La société s’engageait à contribuer pour un