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la porte au-delà de laquelle elle va trouver la liberté des vacances. À Beauvais, M. le duc d’Aumale a su envelopper de la bonne grâce d’un esprit tout français les pensées fortifiantes, et il s’est souvenu de ses classiques pour saluer la terre généreuse de France, « sainte par la gloire, sainte par le malheur ! » Il a électrisé ces jeunes cœurs en leur disant : « Mes amis, aimez et servez la patrie, ayez foi en Dieu et foi dans la France ! » À Bernay, M. le duc de Broglie a parlé comme en famille avec une élégante et persuasive simplicité. Au collège Henri IV de Paris, le sous-secrétaire d’état de la justice, M. Bardoux, a trouvé l’occasion de se montrer homme de goût, homme d’idées libérales, et de parler des études de façon à les faire aimer. C’était peut-être le moment pour M. le ministre de l’instruction publique de faire entendre en pleine Sorbonne, non pas des paroles politiques, mais le langage d’un membre du gouvernement, d’un grand maître de l’université. Malheureusement M. le ministre de l’instruction publique s’est un peu oublié dans les détours d’une dissertation académique. Il a cité Hésiode, saint Jean, saint Matthieu, Montesquieu ; sous prétexte de distinguer entre la bonne et la mauvaise émulation, il a repris l’histoire du monde, il a promené son auditoire de la guerre de Troie aux guerres modernes en passant par les rivalités des successeurs d’Alexandre, les luttes des Achéens et des Étoliens, les rivalités de Marius et de Sylla, de César et de Pompée. M. Wallon a dit à la jeunesse que c’était à elle de « maintenir l’Université de France au rang qu’elle doit garder à la tête de celles à qui la loi vient d’ouvrir une carrière. » Nous voulons bien que ce soit le devoir de la jeunesse de relever l’Université de France ; c’est peut-être aussi le devoir de M. le ministre de l’instruction publique de donner l’exemple, en maintenant la primauté morale de l’état dans l’enseignement public, en armant l’Université pour la lutte qu’il a si généreusement ouverte devant elle !


CH. DE MAZADE.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.