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peut-être encore une question de constitution agricole. C’est le fruit lentement mûri et généreux de cette révolution de 1789 dont l’effet le plus profond et le plus durable a été d’émanciper, de distribuer la propriété en associant un grand nombre de Français à la possession du sol. Que cette diffusion de la propriété dans les masses populaires n’ait pas été la conséquence directe et immédiate de la vente des biens du clergé et des émigrés, les plus savans économistes l’ont montré. Ce n’est guère que vers 1815 que les petits propriétaires ont commencé à se multiplier, et que s’est produit dans des proportions croissantes ce morcellement, cet « émiettement du sol » dont parle M. de Dampierre. Avec l’extension de la propriété, avec l’application des méthodes nouvelles, des progrès de la science à l’agriculture, le bien-être s’est développé, les conditions de la vie se sont améliorées ; la nation s’est transformée par degrés, elle s’est fait une vertu de ce travail libre dont elle recueillait les fruits, dont elle sentait les bienfaits, et c’est là peut-être l’explication la plus vraie de cette consistance vigoureuse que la France a montrée dans les crises les plus terribles, qu’elle oppose même aux entreprises révolutionnaires. Fort bien, c’est un résultat social acquis. Il s’agit maintenant de ne pas laisser dépérir cette œuvre, de développer cette fortune de la terre, à laquelle tant de mains travaillent, de féconder, d’élever l’agriculture par toutes les ressources de la science, par un enseignement qui ajoute au sens pratique les lumières de la théorie. C’est cet enseignement que M. de Dampierre propose de fonder ; ce ne sera du reste que revenir à ce qui avait été fait en 1848 par la création de cet institut agronomique de Versailles, que le libéralisme de l’empire ne put pas laisser vivre. L’instruction agricole ne menacera plus peut-être aujourd’hui la société !

L’enseignement sous toutes les formes, à tous les degrés, est certes aujourd’hui plus que jamais une des premières nécessités pour la France. Tout le monde le sent, tout le monde le répète, et on l’a dit surtout récemment dans les distributions de prix qui viennent d’avoir lieu de toutes parts, dans les villes de province comme à Paris. Cette jeunesse, qui vient de recevoir des couronnes, elle n’entre point dans la carrière par une porte dorée, elle est venue à une heure de tristesse et de recueillement pour le pays dont elle est l’espérance. On n’a point à la flatter, on n’a qu’à lui dire de regarder autour d’elle, de lire dans l’histoire de la France, dans l’histoire de nos revers comme dans l’histoire de nos grandeurs, et de s’aguerrir aux luttes de la vie, de se fortifier par l’étude. Les distributions de prix étaient une occasion naturelle pour répéter ces conseils virils, et les discours n’ont pas manqué à la Sorbonne comme dans le plus simple lycée. Chacun a voulu être de la fête et profiter de cette heure favorable où la jeunesse sait écouter même en tournant les regards vers