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il sait parfaitement ce que pensent et ce que poursuivent tous ces groupes de la droite dont il recherche l’appui, qui ont voté avec lui le 15 juillet dans l’espoir de tenir en échec les institutions actuelles ; il n’ignore pas que dans le centre droit lui-même, s’il y a des hommes d’un esprit libéral qui, à défaut de la monarchie constitutionnelle, préfèrent la république à l’empire, il y a aussi d’autres hommes assez aveugles pour préférer encore l’empire à la république, et c’est avec tout cela, c’est avec ces élémens incohérens que M. le vice-président du conseil se flatte de reconstituer une majorité conservatrice en dehors de ceux qui ont voté la république et les lois constitutionnelles ! Est-ce ainsi que M. le ministre de l’intérieur se propose de dissiper les équivoques ? Son erreur est de ne pas voir qu’il ne fait que les perpétuer en les aggravant. Franchement que veut-on que pense le pays lorsqu’il s’épuise inutilement à pénétrer toutes ces combinaisons, à chercher le secret de toutes ces tactiques ? Comment veut-on qu’il éprouve une complète confiance ? Il a beau y mettre la meilleure volonté, il ne peut point arriver facilement à comprendre comment un régime qu’on lui a représenté comme nécessaire, dont on lui recommande le respect, doit avoir pour défenseurs ou pour alliés ceux qui n’ont d’autre pensée que de le détruire pour faire triompher leur intérêt de parti. Et voilà où nous en sommes au lendemain de toutes ces explications parlementaires qui n’ont rien expliqué, au début de cet interrègne du repos qui vient de commencer !

Si l’on veut profiter de ces trois mois de vacances pour se recueillir loin du bruit et des excitations de la vie parlementaire, on reconnaîtra bien vite que, dans toutes ces luttes, dans ces conflits passionnés et souvent obscurs, c’est toujours l’intérêt de parti qui se substitue à l’intérêt public. Si l’on veut chasser l’équivoque, il n’y a qu’un moyen, c’est d’en revenir tout simplement à la vérité des choses, de se placer sans arrière-pensée sur ce terrain naturel, défini par la république du 25 février et par les lois constitutionnelles telles qu’elles ont été faites. Autrefois un homme d’état italien, chef d’un ministère à une heure des plus critiques, au lendemain de Novare, résumait son programme de libéralisme constitutionnel en peu de mots : « Le statut, disait-il, tout le statut, rien que le statut ! » Avec cela, le Piémont est devenu l’Italie. Quelle difficulté y a-t-il donc à se faire un programme sérieux, pratique, de cette légalité qu’on a sanctionnée, qui est tout à la fois assez précise pour mettre la France à l’abri des coups de hasard et assez large pour n’exclure aucune opinion sincère ? Qu’on soit conservateur, rien de mieux, ce n’est pas ce que la France d’aujourd’hui reprochera à M. le vice-président du conseil ; mais la première condition est après tout de reconnaître ce qui existe, de ne pas laisser se perpétuer ce spectacle de partis organisant tranquillement autour de la loi la sédition de tous les