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olivier y appartient à un individu, et le fonds où plongent les racines à un autre. Malgré les conditions désavantageuses de son habitat, compensées en partie à la vérité par la salubrité exceptionnelle du climat, le Kabyle est parvenu, grâce à son industrie, à réaliser une épargne qui lui a permis de verser en trois mois une contribution de guerre de 10 millions sans se ruiner, et il a pu se multiplier dans une proportion telle que la population spécifique de l’ensemble du pays égale au moins celle de nos départemens français les plus peuplés. L’unité du mariage s’accompagne dans les mœurs kabyles d’une fixité plus grande des liens conjugaux que chez les Arabes. Néanmoins la population berbère tient également aux facultés du statut musulman relatives au divorce et à la répudiation.

Si, comme on l’a fait justement remarquer, ces traditions nuisent au bon ordre de la famille, dont elles rompent l’homogénéité, l’absence de certaines prohibitions constituant dans notre loi ou nos mœurs des empêchemens insurmontables au mariage amène parfois d’autre part dans les parentés musulmanes les relations les plus bizarres. C’est ainsi qu’on a vu un tribunal d’Algérie saisi en appel d’une affaire entre deux Arabes, dont l’un était à la fois le grand-père et le beau-frère de l’autre. Un vieillard nommé Abd-el-Kader avait épousé Fathma, jeune fille, d’environ quatorze ans, et marié Brahim, son fils d’une autre femme, avec Meriem, mère de Fathma. Du mariage de Brahim et de Meriem naquit Abdallah, qui, étant frère utérin de Fathma, se trouvait beau-frère de son grand-père Abd-el-Kader, mari de celle-ci. — On conçoit les complications que comporte un pareil état de choses pour le règlement des intérêts dans une famille. Si la jurisprudence musulmane fournit au cadi le moyen de les trancher, elles seraient le plus souvent insolubles dans notre loi. Dans les contestations entre des membres d’une même famille, les uns naturalisés, les autres demeurés en possession de leur statut indigène, les juges français, seuls compétens pour statuer, éprouvent quelquefois de l’embarras relativement au choix de la législation à appliquer. Dernièrement le tribunal de Bougie et la cour d’Alger se sont tour à tour prononcés sur la prétention d’un indigène naturalisé de faire, en vertu de sa naturalisation personnelle, régler en conformité de la loi française la succession de son père, décédé dans le statut musulman. Les juges d’appel l’ont repoussée comme exorbitante ; la juridiction du premier degré avait décidé favorablement. Il peut se produire des cas où il ne soit possible d’appliquer ni la législation musulmane, ni la nôtre. Il faudra recourir ici à l’adoption d’un droit mixte dont le législateur aurait grand’peine à trouver la