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l’élément européen est disséminé, noyé dans l’indigénat, et à d’autres où il n’existe que des indigènes. L’administration en appartient au général commandant la subdivision, assisté d’un conseil composé des commandans de cercle, du sous-intendant militaire, des commandans du génie, du chef du bureau arabe subdivisionnaire et d’un notable indigène par cercle, ces derniers à la nomination du gouverneur-général. — La naturalisation ne change en rien la condition administrative de l’indigène habitant de ces communes. Elle la modifie au contraire, mais en un sens restrictif, pour celui des communes kabyles qui forment une quatrième organisation municipale, imaginée par l’amiral de Gueydon. Dans ces circonscriptions, l’administration est exercée par des fonctionnaires civils et militaires et par des Européens à la désignation du gouverneur, assistés du chef de la djemâa[1] élue et de deux membres de celle-ci choisis par elle. Il s’ensuit que l’indigène devenu citoyen français, ne figurant plus à la djemâa, ne peut participer par voie d’élection à la gestion des affaires communales. — Quelle que soit donc la situation des indigènes, la naturalisation n’apporte aucun changement assez sensible dans leur état au point de vue de l’administration locale pour qu’ils puissent être de ce chef bien intéressés à l’acquérir.

Le statut religieux se confondant chez eux avec le statut civil, elle les atteint d’autre part dans leur foi en modifiant leur état civil. Ainsi la polygamie, le divorce, la répudiation, qu’elle supprime, sont dans l’islamisme des institutions fondamentales, dont l’abandon implique une sorte d’hérésie. Le culte de la femme a singulièrement dégénéré parmi les Arabes depuis les jours où l’invasion sarrasine déposa peut-être sur notre sol les germes de la chevalerie. La civilisation musulmane n’avait pas alors de rivale, et la femme, y était, comme aujourd’hui au foyer des nations chrétiennes, l’ornement de la société et le charme de l’existence. Mahomet a dit : « Dieu fit la femme et se reposa. — Le paradis est aux pieds des mères. » Mais on sait quels démentis la réalité inflige de nos jours à ces madrigaux échappés à la galanterie du prophète, et combien au contraire sa religion abaisse le rôle de la femme. Elle n’est plus pour les sectateurs du Coran que l’instrument de la reproduction de l’espèce, estimé en raison de sa fécondité. Aussi l’institution du mariage a-t-elle pris chez eux tous les caractères d’un marché. Le père dispose absolument de sa fille ; par le droit du djebr, il peut la marier sans la consulter, — quand elle n’est pas apte à donner un consentement, — dès le berceau, — sauf à ne la livrer à l’époux qu’à sa nubilité. Il ne lui fournit point de dot ; il reçoit au

  1. Réunion des notables.