Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/905

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est-à-dire l’ensemble des droits qu’elles possèdent dans une société, et que dans une acception plus restreinte le statut personnel se prend par opposition au statut réel pour désigner spécialement les droits inhérens à la personne même, qui ne peuvent être détachés d’elle pour passer à une autre : distinction surannée que l’on abandonne déjà pour celle des droits de famille et de propriété. Le législateur de 1865 réservait-il aux israélites les facultés de leur statut personnel général, ou simplement celles de ce statut restreint ? Resteraient-ils, comme par le passé, sous l’empire des coutumes mosaïques à l’égard des mariages, répudiations et successions seulement, ou bien seraient-ils habiles à invoquer désormais en justice leur loi particulière pour toutes leurs contestations, et par exemple en matière de prêt d’argent ou de vente d’immeubles ? Une délimitation claire était à établir à raison du caractère semi-religieux, semi-civil des dispositions qu’elle contient.

Quand les autorités chargées d’appliquer une loi ne trouvent pas dans les expressions une limpidité suffisante, elles recourent pour s’édifier aux commentaires officiels : travaux préparatoires des commissions législatives, débats parlementaires, et elles y puisent d’ordinaire la solution des difficultés. Ici ce moyen de s’éclairer manquait par malheur entièrement. Soit en effet que la difficulté ne fût point apparue aux auteurs du sénatus-consulte, soit qu’ils eussent préféré s’en remettre du soin de distinguer à la sagesse des juges, nulle part ils ne s’étaient suffisamment expliqués. A la faveur de l’équivoque qui planait sur la volonté du législateur, la tendance à l’unité des décisions judiciaires fut rompue, et il s’introduisit à la fois des divergences plus accentuées entre les tribunaux et dans les mêmes tribunaux une jurisprudence inconstante. Certaines juridictions entendirent renfermer les israélites dans le cercle du statut personnel restreint, tandis que d’autres inclinaient à consacrer le principe du statut général.

Les israélites s’efforçaient de faire prévaloir ce dernier système, plus conforme avec la conception sémitique de la loi. Selon eux, dès que le gouvernement se contentait de leur imposer l’obéissance politique et les laissait en possession de leur statut religieux, cette tolérance devait s’entendre de toutes les lois juives, puisque ce sont des lois religieuses. De telles idées, pratiques dans l’antiquité juive et tant que cette race vécut isolée dans des milieux hostiles, ne sauraient se concilier, avec le mouvement d’affaires contemporain auquel elle s’est si largement associée et où son génie excelle. Elles ne prévalaient ni à la cour d’Alger ni dans la majorité des tribunaux de la colonie ; cependant elles exerçaient de l’influence sur une partie de la magistrature, et dans certains sièges