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réimprimer ; MM. Longmans s’offrirent à le remplacer. La cinquième édition disparut en un jour ; un seul mois vit paraître les sixième, septième, huitième et neuvième éditions, chacune de trois mille exemplaires. Ce livre était donc un grand événement. C’est alors que le Quarterly Review, organe périodique du parti tory, vint appuyer ceux qui voulaient absolument qu’on intentât des poursuites. Dans un article, bien écrit comme la plupart de ceux qui paraissent dans ce recueil, mais dénotant une ignorance tout aristocratique de l’état des questions soulevées dans le livre incriminé, on émettait l’avis que, si les essayistes ne rompaient pas d’eux-mêmes leurs relations avec l’église, il fallait les en expulser. En même temps, un comité se formait à Londres pour centraliser les réclamations adressées à l’épiscopat. Bientôt une adresse à l’archevêque de Canterbury, primat d’Angleterre, demandant formellement des poursuites, fut signée par plus de dix mille clergymen. Toute l’Angleterre se demanda : Que feront nos évêques ?

Eh bien ! nos évêques étaient embarrassés. Parmi eux se trouvaient des hommes de savoir et d’esprit, qui n’étaient pas aussi hostiles aux vues énoncées dans le livre hérétique que le commun du clergé et des laïques le supposait. La plupart répugnaient à entamer un procès pour hérésie, sachant qu’une fois lancés sur cette voie ils auraient de la peine à s’arrêter. Ils craignaient peut-être aussi d’afficher leurs dissidences. Ils se bornèrent d’abord à manifester leur surprise, leurs regrets, leur blâme dans un document de forme semi-officielle, de fond assez vague, inséré dans le Guardian ; mais deux évêques refusèrent de le signer, et les partisans des mesures répressives ne furent nullement satisfaits. Leurs instances devinrent plus pressantes encore, et enfin l’on s’avisa de déférer l’affaire à la Convocation, sorte de parlement ecclésiastique de la province de Canterbury, ayant, comme le parlement officiel, sa chambre haute et sa chambre basse. La province d’York a aussi sa Convocation, réduite à une seule chambre. Ces deux assemblées représentatives devraient en théorie tenir la place du synode général dans les églises réformées ou du concile national dans l’ancienne église catholique ; mais il faut savoir que la royauté avait depuis longtemps réduit les attributions de ce parlement d’église à très peu de chose, si ce n’est à rien ; depuis 1717, il était comme supprimé ; mais en 1851 il avait recouvré une certaine compétence dans les questions de discipline. C’est pourquoi en février 1861 la chambre basse de la Convocation fut saisie par un de ses membres de la question des Essais[1] ; mais après d’interminables discussions pro et contra il fut décidé que la Convocation n’était pas

  1. Cette chambre basse se compose de doyens des chapitres, d’archidiacres et de proctors ou procurateurs ; la chambre haute est constituée par les évêques.