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mystères, aideront à la renaissance de l’art dramatique en Occident. Elles se feront une place dans les épopées, elles inspireront pendant plusieurs siècles les sculpteurs et les peintres aussi bien que les poètes. Encore aujourd’hui l’on peut dire qu’elles n’ont pas perdu tout crédit. Dans ces pays du nord, où les fêtes de Noël donnent lieu à des explosions de joie religieuse, ce sont les légendes des apocryphes qui se racontent à la veillée et se jouent dans les spectacles populaires ; elles font battre le cœur des enfans qui les écoutent, elles attendrissent les vieillards qui les redisent par le souvenir des émotions de leur jeunesse. Il faut convenir que peu de fables poétiques ont eu plus de prise et une action aussi longue sur l’humanité.

Parmi ces ouvrages, il n’en est peut-être pas de plus beau que l’évangile de Nicodème ; c’est au moins celui qui s’est le plus répandu dans l’Occident. La seconde partie surtout, qui décrit la descente de Jésus aux enfers, a joui pendant tout le moyen âge d’une grande popularité. Le récit est fait par les deux fils du vieillard Siméon, que le Christ a rappelés du tombeau pour lui rendre témoignage. Ils racontent qu’ils étaient enfermés dans le séjour des ténèbres avec tous les personnages célèbres de l’Ancien-Testament, quand ils se virent tout à coup inondés d’une lumière plus éclatante que celle du soleil. C’était pour ces morts illustres l’annonce d’une délivrance prochaine. Bientôt après arrive Jean-Baptiste le précurseur, qui rapporte qu’il a vu le Christ, qu’il l’a baptisé et qu’il ne tardera pas à venir. À ces nouvelles, Adam, les patriarches, les prophètes tressaillent de joie ; ils s’entretiennent ensemble des grandes promesses qui ont été faites à l’humanité, et de la venue prochaine du Sauveur qui doit les tirer des sombres demeures. De son côté, Satan, qui redoute celui qui doit le vaincre, va trouver Hadès, le prince des enfers. Il veut le persuader de se saisir de Jésus quand il se présentera, et de le garder ; mais Hadès hésite, l’entreprise lui paraît trop hasardeuse ; il a vu Lazare, appelé par la voix du Sauveur, s’échapper avec la vitesse de l’aigle et sortir vivant du tombeau. S’il n’a pu retenir Lazare, comment gardera-t-il celui qui l’a ressuscité ? Pendant qu’ils parlent entre eux, une voix retentit, plus forte que le tonnerre et l’ouragan : a Princes, dit-elle, ouvrez vos portes, élevez-vous, portes éternelles, et le roi de gloire entrerai » Hadès, effrayé, renonce à toute résistance. Il chasse Satan en l’accablant d’outrages, pendant que le Christ, qui a pénétré dans la demeure des morts, appelle tous ceux qu’elle renferme. « Venez à moi, mes saints, leur dit-il, qui êtes mon image et ma ressemblance, » et, prenant Adam par la main, il s’envole avec lui vers le paradis, suivi des patriarches et des prophètes, qui