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marcher en avant. « Si les vents sont contraires, lui écrivait un inconnu, ne vous troublez pas, forcez seulement votre vapeur (use more steam). » Il pouvait compter parmi les appréciateurs de sa bonne foi et de son talent des hommes éminens tels que MM. Max Müller, les orientalistes Wilson, Lassen, Ewald, et il se liait d’une étroite amitié avec M. de Bunsen, qu’il alla voir en Allemagne, et chez qui il fit la connaissance de celle qui peu après ce voyage devint sa femme.

On se demandera peut-être comment il se fait que, dans une église épiscopale très disciplinée, professant des doctrines très arrêtées, un théologien tel que Rowland Williams ne fut pas immédiatement suspendu a divinis par ses supérieurs. C’est que, sur ce point comme sur quelques autres, l’église anglicane a mieux conservé que l’église catholique elle-même l’ancienne tradition du rapport légal du prêtre et de l’évêque. Celui-ci ne peut pas en Angleterre enlever motu proprio ses pouvoirs à un prêtre dont il juge la doctrine erronée ou dangereuse. Il faut pour cela un jugement avec débat contradictoire devant une cour spéciale, et le condamné peut en appeler au conseil privé de la reine ; mais de telles instances sont toujours d’une issue douteuse. Du moment que la procédure revêt ainsi des formes juridiques, le jugement lui-même ne peut porter que sur des actes ou des doctrines expressément condamnées par les XXXIX articles et les autres constitutions écrites de l’église. Rowland Williams et ses amis s’étaient plus d’une fois demandé quelle était leur position de jure au sein de l’église établie. Dans leur désir d’y rester, dans leur conviction qu’elle devait s’élargir ou tomber au bout d’un certain temps, ils avaient observé que les articles de foi, qui jadis avaient visé beaucoup d’hérésies contemporaines dans l’intention d’en préserver l’église d’Angleterre, n’avaient pas du tout prévu les modifications modernes de la pensée religieuse. Il leur semblait qu’ils passaient en toute sécurité à travers les mailles du réseau, et ce qui permet de croire que leur prétention n’était pas sans fondement, c’est qu’en effet aucune poursuite ecclésiastique ne fut alors entamée contre eux. Cependant on ne peut se dissimuler qu’avec l’inspiration miraculeuse de la Bible, point que les articles constitutifs ne définissaient pas, bien des pierres angulaires de l’ancienne orthodoxie protestante s’ébranlaient et même se détachaient. Mystique tant qu’on voudra, le rationalisme se logeait dans la place, et cet hôte est d’ordinaire très envahissant. J’ignore si Rowland Williams lui-même savait bien jusqu’à quel point de profondeur il plongeait dans l’hérésie. Nous le voyons incliner positivement à l’arianisme en reconnaissant que le Fils est un être inférieur, subordonné au Père. A plusieurs reprises, nous le surprenons tâchant de construire