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Nous ne le suivrons pas dans les difficultés de plus d’un genre qui résultèrent pour lui de son acceptation. Le collège de Lampeter était une institution de second ordre, fréquentée par des fils de fermiers ou de petits marchands, pas très nombreux, désirant recevoir les ordres dans l’église établie et ne voyant guère dans les rapides études qu’ils venaient y faire qu’un moyen de passer tant bien que mal leurs examens d’entrée. Trop souvent le principal mobile des parens était que cela coûterait moins qu’ailleurs, comme celui des jeunes gens qu’ils auraient moins à travailler que dans d’autres écoles. La situation financière était loin d’être brillante. Des projets hostiles menaçaient jusqu’au sein du parlement un établissement qu’on accusait de coûter plus qu’il ne rapportait et de ne pas répondre aux intentions de ses fondateurs. Rowland Williams sut tenir tête à toutes les oppositions, relever le niveau des études, attirer un nombre croissant d’étudians et augmenter les ressources du collège. Le récit de ces luttes prolongées nous entraînerait beaucoup trop loin de notre sujet ; il importait seulement de signaler cette partie de la carrière de notre théologien pour qu’on ne le prît pas pour un de ces penseurs de cabinet qui deviennent hétérodoxes parce qu’ils ne sont pas aux prises avec les réalités ecclésiastiques. C’est au beau milieu de ces efforts et de ces luttes qu’il fut conquis par le libéralisme religieux.

Le célèbre indianiste sir J. Muir, aujourd’hui connu par ses travaux sur les Védas et la littérature sanscrite, était encore aux Indes, chrétien fervent, observateur attentif et frappé de la médiocrité des résultats des missions chrétiennes au sein de la population hindoue. Le fait est qu’il n’y avait guère de proportion entre ces résultats et les énormes sacrifices consentis par les fidèles d’Angleterre. On avait marché de l’avant avec la bravoure de l’ingénuité. Les sociétés de mission vivaient d’un idéal peu conforme à l’histoire, mais consacré par la tradition chrétienne. Elles avaient toujours devant les yeux les rapides conquêtes du christianisme à travers l’empire romain et l’Europe barbare, ces temps héroïques où quelques apôtres, une poignée de missionnaires réussissaient à convertir des nations entières, et elles se disaient que, l’Évangile n’ayant rien perdu de sa vertu, rien n’empêchait les mêmes conquêtes de s’opérer au sein des immenses possessions de la couronne britannique. Il y avait beaucoup de naïveté dans une telle espérance. On oubliait que la rapide conversion de l’empire romain et celle des peuples du nord, qui en fut la conséquence naturelle, tinrent à un concours de circonstances intellectuelles, morales, politiques, sociales, qui ne se rencontre pas deux fois dans l’histoire. Étant donnés l’Évangile et la situation religieuse et politique des populations réunies sous le sceptre de Rome, la victoire du christianisme ne