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saisit pas sous une forme concrète, personnelle, mettant en relief sa marche en quelque sorte fatale sous le double aiguillon de l’attachement à la vieille église et du zèle pour la jeune science. C’est pour cela qu’avant d’arriver aux Essays and Reviews d’Oxford, où les prétentions comme les espérances de la broad church s’affirmèrent en 1860 avec un éclat retentissant, nous envisagerons de près la vie bien modeste et longtemps obscure du docteur Rowland Williams, l’un des essayists. Nous verrons comment un jeune anglican, très fervent, plus timoré que hardi, mais très laborieux et très sincère, devint un théologien libéral et eut l’honneur de comparaître en cour ecclésiastique sous l’inculpation de grosses hérésies. Qu’on se rassure, il ne fut ni brûlé ni emmuré, il fut même acquitté. Cependant il faut avouer qu’au point de vue des vieilles orthodoxies c’était un grand coupable.


II

Rowland Williams naquit en 1817 à Halkyes (Flintshire), petite localité du pays de Galles. Son père était recteur de cette paroisse, qu’il quitta bientôt après pour une autre. Il termina sa carrière à Ysceifiog, autre paroisse galloise. Les souvenirs d’enfance de Rowland nous transportent au sein d’un tranquille presbytère anglican où la vie s’écoule digne, paisible, un peu formaliste, un peu monotone, mais relevée par des goûts et des plaisirs littéraires. Les études de l’enfant commencèrent de très bonne heure sous la direction paternelle. Il ne se rappelait pas, a-t-il dit plus tard, un seul moment de sa vie où il n’eût pas su lire le latin, et quand il entra à Eton en 1828, il était déjà d’une certaine force en grec. C’était un enfant studieux, aimable, d’intelligence éveillée. Eton voyait encore fleurir alors la coutume des brimades infligées aux petits par les vétérans. Entre autres épreuves, les nouveau-venus devaient être bernés ni plus ni moins que Sancho Pança, c’est-à-dire qu’on les étalait sur un sac d’une certaine largeur, et que huit mains vigoureuses les faisaient rebondir en l’air comme un volant sur une raquette. Ce divertissement brutal faillit lui coûter la vie. Maladroitement lancé vers le plafond, il retomba de telle sorte que sa tête porta sur le rebord d’un banc et qu’il fut littéralement scalpé. Il fallut recoudre la peau du crâne. Cet accident toutefois n’eut pas d’autres suites fâcheuses, et vers la fin de ses études dans la célèbre école nous le retrouvons dispos de corps et d’esprit, disputax dans ses causeries avec ses condisciples, très laborieux, d’une conduite très régulière, en même temps grand ami des exercices corporels, se distinguant au cricket, à la natation, au canotage et à cheval. Devant le presbytère paternel,