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une forme différente, si les deux fils de France n’avaient remplacé leur père dans la prison de Madrid.

Le 14 janvier 1526, le roi captif avait signé le traité qui lui arrachait le duché de Bourgogne et l’obligeait à remettre ses deux fils aînés aux mains de l’empereur comme des otages destinés à assurer l’exécution des clauses de sa délivrance. La veille, il avait réuni dans sa chambre plusieurs des grands personnages de son royaume venus pour l’assister à Madrid, le premier président de Selve, l’archevêque d’Embrun, le maréchal de Montmorency, Chabot de Brion et le prévôt de Paris La Barre. Son secrétaire Bayard faisait partie de la réunion. Après avoir pris leur serment de tenir secret tout ce qui allait se passer, le roi protesta contre la violence de l’empereur. Ce traité qu’il était contraint de signer, il le déclara nul d’avance. Les conditions qu’on exigeait de lui étaient inacceptables, devant mettre la France en servitude ; s’il paraissait y consentir, c’était pour éviter au royaume des malheurs plus grands encore. En réalité, il n’y avait pas de consentement. Il promettait, jurait, signait, sans contracter aucun engagement d’honneur, puisqu’il n’était pas libre. Il ferait au reste envers l’empereur tout ce qu’un roi prisonnier de bonne guerre peut et doit raisonnablement faire. La rançon qu’il offrirait au vainqueur « rendrait manifeste à chacun qu’il veut faire justice de lui-même et se mettre en son devoir. » Après ces déclarations, il donna l’ordre à ses ambassadeurs de signer le lendemain avec lui le traité qu’il était bien résolu à ne pas tenir, « les rendant par là, dit M. Mignet, confidens et complices de son manque de foi. »

Deux mois plus tard, le 17 mars 1526, après bien des formalités qui attestaient les défiances de l’empereur, l’échange du royal captif et des pauvres enfans livrés en otage fut accompli sur une sorte d’estrade élevée au milieu de la Bidassoa. Le dauphin avait huit ans et demi, le duc d’Orléans allait atteindre sa septième année. Pendant que leur grand’mère, Louise de Savoie, régente de France, les amenait à Bayonne pour l’échange exigé par le traité de Madrid, ils rencontrèrent à Amboise l’ambassadeur d’Angleterre, qui écrivit au cardinal Wolsey : « Tous deux m’embrassèrent, me prirent la main et me demandèrent des nouvelles de l’altesse du roi et de votre grâce, en me témoignant le désir d’être recommandés au roi et à vous dans mes lettres. En vérité, ce sont deux charmans enfans ; le filleul du roi est d’un esprit plus vif et plus hardi, à ce qu’il me semble. » Ce filleul du roi d’Angleterre, c’était le plus jeune des deux, le duc d’Orléans, qui, son frère étant mort, fut le successeur de son père sous le nom de Henri II. Arrivés sur l’estrade où devait se faire l’échange, ils baisèrent la main de leur père. « Sire, dit le