Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/822

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charles-Quint et de Henry VIII. Rien n’était fait à ses yeux tant que le roi d’Angleterre n’avait pas mis sur sa tête la couronne de saint Louis. Charles-Quint, toujours lent à se résoudre parce que ses vues embrassent le présent et l’avenir, n’a garde de prêter l’oreille à ces conseils. Bourbon a été l’un de ses instrumens, ce n’est pas lui qui sera l’instrument de Bourbon. Il aime mieux affaiblir le roi de France que de donner, en le détrônant, trop de puissance au roi d’Angleterre. De là des négociations, des combinaisons sans fin, dont le détail est très sûrement exposé par M. Mignet, et toujours au milieu de ces ténébreuses manœuvres on voit reparaître la sinistre figure du connétable de Bourbon. Le 15 novembre 1525, l’empereur, qui l’a fait venir d’Italie, se porte au-devant de lui avec toute sa cour jusqu’à une certaine distance de Tolède. Il lui fait l’accueil le plus cordial et le prend à ses côtés pour rentrer dans la ville. « Sire, lui dit Bourbon, j’ai perdu mon état à votre service, et de ma personne j’ai fait ce que je vous offris comme chevalier, bon serviteur et vassal, et je rends grâce à Dieu de ce que les choses en sont à ce point, pour la grande gloire et avec la victoire de votre majesté. S’il avait fallu perdre un royaume comme j’ai perdu mon état, je l’aurais fait volontiers, et à cela l’aurais trouvé bien employé. — Duc, répondit l’empereur, votre état n’est pas perdu et ne se perdra pas ; je vous le rendrai et en outre je vous en donnerai un plus considérable. Je sais que tout ce que vous dites est vrai ; le temps et mes œuvres montreront la volonté que j’ai de vous agrandir. » Pendant que Charles-Quint recevait magnifiquement le grand traître, comme l’appelle M. Mignet, et lui faisait d’éblouissantes promesses, le roi de France, gardé à vue, malade, obligé de consentir au démembrement de son royaume ou de se résigner à une captivité perpétuelle, était dévoré par les pensées les plus sombres.


V

Dans cette espèce de drame que me représente l’ouvrage de M. Mignet, si la seconde journée est remplie par la trahison du connétable, ce seraient les deux fils aînés du roi de France, le dauphin et le duc d’Orléans, qui en domineraient la dernière partie. On ne les voit apparaître, je le sais, qu’au début et à la fin de cette période, mais l’image des deux enfans est sans cesse présente à l’esprit du lecteur. Cachés à nos regards, ils sont là, et, sans agir, ils remplissent la scène. Les principaux événemens racontés par l’historien ne seraient pas arrivés, ou bien se seraient produits sous