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Prat, qui a reçu du connétable les fonctions de viguier en le reconnaissant comte de Provence, est décapité sur la place publique. François Ier emploie six jours à rétablir l’autorité royale dans toute la Provence, il envoie les témoignages de sa gratitude à l’héroïque cité de Marseille ; puis, impatient de venger l’affront de l’invasion, il passe les Alpes. En quelques jours, il est maître de Milan, et le 26 octobre le voilà devant Pavie, où se sont retirés les impériaux. Pendant quatre mois, occupé à fortifier son armée, à se créer de nouvelles ressources, se croyant déjà en mesure de dominer toute l’Italie, il s’exalte et devient plus sourd que jamais aux conseils de la prudence. Les impériaux, qui s’avançaient avec des troupes mal soldées et prêtes à se débander, avaient intérêt à jouer le tout pour le tout. François Ier était sûr de les voir se disperser au premier jour ; enfermé dans ses retranchemens, il n’avait pour cela qu’à refuser la bataille. Restons immobiles, disaient les vieux hommes de guerre, ne livrons pas aux hasards d’une mêlée l’avantage certain que notre position nous assure. L’amiral Bonnivet, le maréchal de Montmorency, furent d’une opinion contraire. « Nous autres, disait Bonnivet avec une confiance hautaine, nous n’avons pas accoutumé de faire la guerre par artifices militaires, nous la faisons à belles enseignes découvertes, surtout quand nous avons pour chef un vaillant roi qui doit faire combattre les plus poltrons. Les rois portent cet heur avec eux et ils portent aussi la victoire, comme notre petit roi Charles VIII au Taro, notre roi Louis XII à Agnadel, et notre roi qui est ici à Marignan. Et il ne faut point douter qu’en le voyant taller le premier au combat, car il nous montrera le chemin, sa brave gendarmerie n’en fasse de même et ne passe sur le ventre à l’ennemi. Par quoi, sire, donnez la bataille. » La bataille donnée, on sait ce qui arriva ; ce fut un désastre. Le roi pris, La Trémouille et La Palisse tués, les plus braves gentilshommes et les plus illustres seigneurs tombés comme le roi aux mains des impériaux, François Ier enfermé dans le monastère de Saint-Paul, au milieu même de ce camp d’où la veille encore il dominait l’Italie, bientôt enfin sa translation en Espagne, son arrivée à Madrid, sa longue et dure captivité dans le sombre donjon de l’Alcazar, voilà les résultats de ce beau conseil !

Le connétable de Bourbon avait été un des vainqueurs de Pavie ; ni le marquis de Pescara avec ses arquebusiers espagnols, ni George Frondsberg avec ses lansquenets allemands, l’un si habile, l’autre si impétueux, n’avaient plus fait pour le succès de l’empereur que ce prince français acharné à sa vengeance. Le lendemain, nul ne se montra plus ardent à suivre la fortune. Si on l’eût écouté, la France eût été envahie de nouveau. Il s’irritait des hésitations de