Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/809

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impériale, et depuis l’extinction de la dynastie de Luxembourg en 1438, c’est-à-dire depuis quatre-vingt-un ans, cette couronne semblait fixée dans sa maison. Que le roi de France ose lui disputer son héritage, cette pensée seule lui est une grave offense. Il ne la pardonnera jamais. Aussitôt donc qu’il apprend ce qui se passe, il engage la lutte. C’est au mois de juin 1517 que les plénipotentiaires du margrave de Brandebourg sont venus des bords de la Sprée aux bords de la Somme pour offrir l’empire d’Allemagne au roi de France et traiter des conditions du marché ; au mois de septembre de la même année, le jeune roi d’Espagne et des Pays-Bas informe son grand-père, l’empereur Maximilien, des négociations qui se trament dans l’ombre, et dès ce jour les luttes souterraines de l’intrigue vont précéder les batailles à ciel ouvert.

« Dès l’âge de quinze ans, dit M. Mignet, Charles présidait tous les jours son conseil. Il y exposait lui-même le contenu des dépêches, qui lui étaient remises aussitôt qu’elles arrivaient, fût-ce au milieu du sommeil de la nuit. Son conseil était devenu son école, et la politique, où il devait se rendre si habile, avait été son principal enseignement. Réfléchi comme celui qui est appelé à décider, patient comme celui à qui il appartient de commander, il avait acquis une dignité précoce. Ayant beaucoup de sens naturel, une finesse d’esprit pénétrante, une rare vigueur d’âme, il apprenait à faire, dans chaque situation et sur chaque chose, ce qu’il y avait à faire et comment il fallait le faire. Il s’apprêtait ainsi à être le plus délié et le plus ferme politique de son temps, à regarder la fortune en face sans s’enivrer de ses faveurs, sans se troubler de ses disgrâces, à ne s’étonner d’aucun événement, à se résoudre dans tous les périls. » C’est dans cette lutte pour l’empire que ces qualités du jeune souverain de dix-sept ans eurent occasion de s’exercer pour la première fois. Il aurait pu se troubler, s’étonner, en apprenant qu’un archevêque de Trêves, un margrave de Brandebourg, avaient offert l’empire au roi de France ; il resta calme et regarda la fortune en face. Très fin, très ferme, ne se décourageant jamais, mettant à profit toutes les circonstances, il finit par l’emporter sur ce brillant rival, qui paraissait d’abord si assuré de la victoire. Vainement François Ier, voyant ses négociateurs hésiter devant les exigences toujours croissantes du margrave de Brandebourg, leur avait-il écrit : « Je veux qu’on soulle de toutes choses le marquis Joachim. » Vainement le marquis Joachim avait signé le 8 avril 1519 un engagement qui se terminait par ces mots : « Appelés que nous sommes par la divine Providence à la dignité de margrave, à la principauté du saint-empire, au nombre des électeurs, nous désirons par-dessus toust qu’il soit mis de nos jours à la tête de l’empire quelqu’un possédant les vertus nécessaires pour remplir