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le 3 juillet ; or dès le 12 juin M. de Bismarck faisait savoir au gouvernement italien qu’il avait définitivement accepté le concours des défections slaves et hongroises[1], et il demeure avéré que, bien avant Sadowa, bien avant même tout commencement de guerre, le gouvernement prussien avait eu recours à un moyen qui, selon les propres expressions du chancelier, devait « exciter à la révolte et à la trahison les régimens magyars et dalmates de l’armée autrichienne. » N’oublions pas du reste que, tout en traitant avec Mazzini et M. Klapka, le ministre de Guillaume Ier ne se faisait pas faute de dénoncer à l’Europe l’esprit jacobin de la maison de Habsbourg : « Le roi, notre auguste maître, disait une dépêche prussienne du 26 janvier 1866, est douloureusement affecté de voir se déployer (dans les duchés de l’Elbe), sous l’égide de l’aigle autrichienne, des tendances révolutionnaires et hostiles à tous les trônes. Si à Vienne on croit pouvoir assister tranquillement à cette transformation d’une race distinguée jusqu’ici par ses sentimens conservateurs en un foyer d’agitations révolutionnaires, nous ne pouvons le faire de notre côté, et nous sommes décidés à ne pas le faire. »

C’est au milieu de pareilles menées ténébreuses et de négociations plus ou moins régulières, de préparatifs de guerre et d’échanges continuels de notes, de luttes parlementaires aussi et de combats presque journaliers avec les « perruques » de la cour, que se passèrent pour le président du conseil à Berlin les six premiers mois de l’année 1866, et rarement homme d’état eut à traverser une période plus troublée, plus émouvante. Les flots des événemens lui faisaient tantôt toucher le rivage, tantôt le rejetaient au large et semblaient l’éloigner plus que jamais de son but. Ce fut par exemple un grand coup de fortune que cette révolution en Roumanie et l’acclamation du prince Hohenzollern par le peuple de Bukharest, car cet incident fermait brusquement une porte par laquelle, d’après l’opinion de plus d’un homme politique d’alors, la question vénitienne aurait pu s’en aller en paix[2], et c’étaient des mains françaises qui avaient contribué à l’installation du jeune prince prussien sur les bords du Danube ! L’instant d’après toutefois, M. de Bismarck fut de nouveau réveillé de sa sécurité par des bruits vagues sur des pourparlers engagés entre l’Autriche et la France touchant la ville

  1. Voyez les notes de M. Usedom du 12 et 17 juin, ainsi que la dépêche du comte Barral du 15 juin. La Marmora, p. 316, 331, 345-348.
  2. Dans une dépêche du 1er mars 1806, M. Nigra rend compte au général La Marmora que, conformément à son autorisation, il a essayé d’entamer la question de l’échange des principautés danubiennes contre la Vénétie. Il a fait valoir les avantages que cette solution aurait pour la France et pour l’Angleterre, qui verraient ainsi s’accomplir pacifiquement les deux programmes des guerres de Crimée et d’Italie. Le ministre ajoute que l’empereur Napoléon III était resté frappé de cette idée. La Marmora, p. 119.