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pour l’Italie ; » sans rancune comme sans préjugés, le président du conseil de Prusse venait renouer les conversations entamées, deux ans auparavant, lors de sa courte mission de Paris.

Il n’apportait rien de nouveau à la vérité ; il affirmait seulement que son alliance avec le Habsbourg dans la guerre contre le Danemark n’avait été qu’un simple incident, et laissait clairement entrevoir son désir de garder pour la Prusse les pays récemment conquis sur l’Elbe au nom de la confédération germanique. Pour le reste, il ne faisait que varier l’ancien thème sur le duel inévitable, imminent, entre Berlin et Vienne, sur les avantages qu’en pourrait recueillir l’Italie, sur l’utilité pour la France d’avoir une Prusse mieux configurée, solidement assise, et dès lors son alliée naturelle, immanquable dans toutes les questions de civilisation et de progrès. De tels épanchemens, venant d’un ministre qui avait donné sa mesure dans la campagne des duchés, rencontrèrent maintenant un auditoire bien autrement attentif qu’en 1862. Sans le prendre encore pour un homme tout à fait sérieux, on tomba d’accord pour lui reconnaître la qualité d’un homme utile, d’un homme de l’avenir, que l’Italie devrait cultiver avec soin, que la France, de son côté, ferait bien de surveiller, de stimuler et de manier. Les coryphées de la démocratie impériale, le prince Napoléon le premier, se montraient surtout épris des perspectives qu’on leur ouvrait. Un membre distingué de ce groupe, un diplomate réputé habile entre tous et que son nom déjà obligeait envers la cause italienne, fut recherché dans sa retraite et placé à la tête de la mission à Berlin, érigée maintenant en ambassade. Un autre membre du « parti de l’action » également en disponibilité depuis quelque temps, un ancien ambassadeur à Rome, ne tarda pas, lui aussi, à être rappelé dans les conseils de l’empire : à côté de M. Rouher, il était destiné à y former un contre-poids utile aux idées quelque peu « surannées » de M. Drouyn de Lhuys. Au-delà des Alpes enfin, à Turin, un général bien connu pour sa « prussomanie » avait pris en main la direction des affaires politiques dès le 23 septembre. Chacun de ces personnages, — M. Benedetti, M. de La Valette, le général La Marmora, — aura son rôle et son jour dans le grand drame de 1866.

À ce moment toutefois, dans l’automne 1864, aucun plan ne fut arrêté ni même discuté : on n’en était encore qu’aux simples confidences, à des conversations ondoyantes et fuyantes, à ce que, dans le langage diplomatique, on n’eût pas même osé appeler un échange d’idées ; mais l’impression que remporta le ministre prussien de cette rapide excursion en France fut assez encourageante pour lui faire lancer aussitôt cette circulaire du 24 décembre 1864 qui devint le point de départ de son action contre l’Autriche. Dans cette