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MARIANNE




À MON AMI CHARLES POMY.




SECONDE PARTIE.[1]




XIV.


Philippe Gaucher eut la mauvaise fortune de déplaire souverainement à Mme  André. C’était pourtant un bon et honnête garçon, le cœur sur la main, l’âme ouverte comme sa physionomie ; mais Mme  André ne voulait pas qu’un homme se permît d’être plus beau que son fils, qui n’était cependant pas ce qu’on appelle en province un bel homme. Il n’avait ni larges épaules, ni barbe noire, ni teint coloré, ni poitrine bombée. Il était intéressant, intelligent et modeste ; sa figure comme sa personne tout entière respiraient la distinction d’une nature de choix. Aussi sa mère, qui n’avait jamais vu le monde et qui n’eût su définir en quoi la distinction consiste, avait-elle un critérium certain dans ses moyens de comparaison. Elle fut choquée d’une certaine vulgarité qui filtrait pour ainsi dire à travers toutes les paroles, tous les gestes, toutes les attitudes de Philippe, et elle en conclut que ses idées et ses actions étaient les conséquences de son type. Elle ne manquait pas de cet esprit naturel et gouailleur qui est propre aux habitans du centre, aux femmes particulièrement. Elle le railla donc finement pendant tout le dîner, sans qu’il daignât s’en apercevoir. Il est vrai que, les devoirs de

  1. Voyez la Revue du ler août.