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de grâce nécessaires pour que l’assemblée pût régler ses dernières volontés, voter les choses essentielles, le budget, la loi électorale, comme elle a déjà voté la loi sur les pouvoirs publics, la loi sur le sénat. Tout semblait corroborer cette nécessité d’une application prochaine des institutions acceptées.

Oui, tout cela était moralement et logiquement vrai le lendemain du 15 juillet comme la veille ; ce qu’il y avait seulement de changé, c’était cette situation parlementaire où un coup de scrutin est venu ragaillardir les vieux conservateurs de la droite qui ne passent pas pour désirer une dissolution, qui aimeraient mieux se proclamer immortels que de décréter leur mort prochaine. À quel sentiment ou à quel calcul obéissent-ils ? Quelques-uns ont la mélancolique certitude de ne pas revenir ; d’autres ont une certaine peur de l’inconnu, beaucoup ne se rendent pas compte à eux-mêmes de la raison de leurs répugnances. Ceux qui gardent obstinément de vagues espérances monarchiques et qui ne voient qu’avec une impatience chagrine l’organisation d’une république, même d’une république conservatrice à laquelle ils ne croient pas, ceux-là surtout s’efforcent de gagner du temps. Que peut leur donner le temps ? Ils ne le savent pas eux-mêmes, ils se figurent qu’ils se réservent ainsi l’imprévu et qu’en restant à Versailles ils suspendent la prescription de leurs espérances. C’est une illusion qu’ils se font et à laquelle ils sacrifient l’intérêt du pays. Ils avaient presque perdu courage il y a quelques semaines, le vote du 15 juillet a ravivé leur confiance, et le premier gage de la victoire de la veille a été une proposition de prorogation. Il y a un député, M. Malartre, qui a le monopole de ces sortes de propositions et le privilège d’arriver tous les ans à l’heure voulue, au moment psychologique. M. Malartre n’a pas manqué cette année au lendemain du 15 juillet, et comme il ne marchande pas avec les vacances, il proposait tout simplement à l’assemblée de s’ajourner au 30 novembre, il aurait même étendu la prorogation, s’il l’avait fallu, jusqu’à l’année prochaine. Il y a eu, il est vrai, quelques autres propositions tendant à rapprocher la dissolution et les élections. Il faut l’avouer, ces motions, médiocrement combinées, faiblement soutenues, n’ont point eu de succès, et l’assemblée, pleine de complaisance pour elle-même, a fini par décider qu’elle se séparerait le 4 août, pour revenir à Versailles le 4 novembre. C’est la conséquence de ces dernières luttes parlementaires qui ont jeté le désarroi dans les partis, troublé toutes les combinaisons, et qui lèguent une situation fausse à tout le monde, à commencer par le gouvernement, réduit plus que jamais à dégager sa politique de toutes ces confusions, auxquelles il n’est malheureusement pas étranger.

Les voyages des souverains jouent de notre temps un certain rôle dans la politique, et on en profite même quelquefois pour faire voyager les princes où ils ne vont pas, pour imaginer des rencontres qui n’ont