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Qu’est-ce à dire ? Est-ce l’absolution de l’empire et la preuve des complaisances de M. le vice-président du conseil ou de l’assemblée pour le bonapartisme ? Ce serait, nous n’en doutons pas, une iniquité de faire peser sur M. le vice-président du conseil l’injurieux soupçon d’avoir cherché à couvrir le bonapartisme, de lui avoir préparé volontairement cette diversion dont il a profité. Non, M. Buffet, ministre de la république constitutionnelle, n’est point un bonapartiste déguisé, et ce qu’il a dit dans ses discours n’est après tout rien de plus que ceci : « je me suis fait une règle constante de me préoccuper de tous les périls et de ne pas faire de l’un d’eux une diversion à l’autre, » ce qui ne signifie nullement que M. le ministre de l’intérieur ait les yeux fermés sur les menées impérialistes ; mais il y a une fatalité dans ces situations confuses, et sans le vouloir M. Buffet a paru venir en aide au bonapartisme dans l’embarras. Il a eu des mots malheureux qui dépassaient probablement sa pensée, et en fin de compte il a eu la mauvaise chance d’avoir avec lui dans sa majorité ces bonapartistes qu’on l’accusait de protéger, qui, après avoir été sur le point d’être frappés, se sont retrouvés parmi les victorieux du scrutin. Fortune compromettante assurément, que M. le vice-président du conseil a eu le tort de ne point redouter assez dans son ardeur fébrile contre le radicalisme, et c’est ainsi que, par la faute de tout le monde, cette campagne assez mal conduite, dénaturée dans le feu du combat, a fini, non pas précisément au profit du bonapartisme, comme on le dit, mais par un vote qui n’est que l’expression d’un grand trouble, qui a rendu une apparence de vie à l’ancienne majorité conservatrice reconstituée pour la circonstance.

La conséquence de ces péripéties et de ces évolutions parlementaires, on l’a vue aussitôt. Le vote du 15 juillet, on peut le dire, avait implicitement tranché une question des plus graves devant laquelle on s’était arrêté jusque-là, que le gouvernement lui-même semblait envisager comme tous les esprits libéraux, la question de la dissolution définitive ou d’une prorogation nouvelle de l’assemblée. Sans doute, rien n’était changé en apparence, les conditions restaient les mêmes. Le lendemain comme la veille, la dissolution prochaine de l’assemblée était la conséquence naturelle de tout un ensemble de choses. Il y a un moment où aucun pouvoir ne peut se dérober à la loi commune. L’assemblée de Versailles est dans la cinquième année de son existence, elle a passé par bien des épreuves, et rien ne peut faire aujourd’hui qu’elle ne soit moralement arrivée au terme de sa carrière. Elle a mis ses dernières forces dans ces lois constitutionnelles qu’elle vote encore péniblement chaque jour, qui donnent une organisation régulière à la France, et il est bien clair qu’un pays ne peut pas rester suspendu entre le provisoire agité d’une assemblée omnipotente en déclin et un régime légal indéfiniment ajourné. Tout ce qu’on pouvait faire, c’était de calculer les jours