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hérences. Des partis épuisés et irrités, des ardeurs factices et des campagnes maladroitement menées, des majorités changeantes et des votes confus ou contradictoires, un gouvernement de tension et de mauvaise humeur, une assemblée paralysée par toutes les divisions et finissant par se tirer d’embarras en saisissant l’occasion de prendre trois mois de vacances, c’est là ce qui s’appelle la politique officielle depuis quel que temps. La vérité est que la direction a manqué partout, que l’esprit de conduite n’a brillé dans aucun camp, ni à droite, ni à gauche, ni même dans le ministère, et que de tous les côtés on s’est fié à ce qu’un député appelait dans la familiarité d’une commission « le dieu hasard. » Ce serait positivement à redouter, si le pays ne suppléait à tout par son calme, par sa sagesse, s’il ne se donnait à lui-même sa direction en vivant honnêtement de son travail sans trop s’inquiéter des conflits de paroles passablement acerbes entre M. le vice-président du conseil et ses adversaires, entre la gauche puritaine et la gauche constitutionnelle.

Comment donc en est-on venu à cette situation si étrange où tout est prétexte à équivoques et à confusions, où les partis se font un jeu de se livrer à toutes les fantaisies meurtrières aux dépens des intérêts du pays, et où le « dieu hasard » se charge le plus souvent de dénouer les conflits parlementaires engagés par les passions ? Il n’est point douteux que tout le monde a un peu sa part dans ce décousu universel, et à ne prendre que cette séance du 15 juillet, qui a éclaté comme un coup de théâtre, qui depuis quinze jours a pesé sur toutes les délibérations et les résolutions de l’assemblée, qui a été une épreuve aussi délicate que périlleuse pour les partis comme pour le gouvernement, à ne prendre que cette journée, les fautes sont certainement venues de tous les côtés ; elles sont venues de la commission chargée d’instruire le procès de l’empire, de M. Gambetta et de son intervention orageuse comme du ministère lui-même. Il faut voir les choses comme elles sont, sans se payer de mots et d’apparences.

Que voulait-on faire ? L’élection de M. de Bourgoing dans la Nièvre n’avait été qu’une occasion ; ce qu’on se proposait surtout en réalité, c’était de dévoiler les menées bonapartistes, de remettre pour ainsi dire en présence le travail permanent de conspiration, les prétentions survivantes de l’empire et les ruines que sa domination a léguées à la France. L’enquête parlementaire était née de cette pensée, la commission a mis plus de six mois à instruire le procès, et elle a trouvé en M. Savary un jeune rapporteur très résolu, qui a pris fort au sérieux son rôle de procureur-général de l’enquête. Rien de mieux assurément que de dévoiler les intrigues bonapartistes, toutes ces captations habilement organisées, toutes ces influences perfidement mises en jeu pour enlacer le pays en le trompant par des propagandes captieuses, en exploitant jusqu’à des souffrances dont l’empire reste le premier et coupable auteur. Malheu-