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plus prévenus ne supposent pas que pour être petite une compagnie ait le monopole de la construction à bon marché.

Les 10,000 kilomètres construits dans ces dernières années ne donnent guère qu’un revenu de 1 à 2 pour 100 : il faut donc chercher le moyen de combler le déficit entre ce chiffre et le revenu du capital engagé, qui, par la garantie d’intérêt, reste constant. Sans doute le produit net de nos lignes considérées dans leur ensemble augmente constamment ; mais il augmente assez lentement, nous avons montré combien, sur les lignes les plus prospères, il est en quelque sorte rebelle à l’accroissement. On peut admettre cependant qu’une plus-value se produit d’année en année sur l’ensemble du réseau. Cette plus-value a un emploi tout naturel, elle peut servir d’année en année à combler une partie du déficit dont je viens de parler. L’état est engagé à parfaire la somme nécessaire pour le paiement des intérêts des obligations garanties. On a donc une sorte de baromètre naturel, si l’on peut se servir de ce mot, dans le chiffre annuel de ses paiemens aux compagnies. Si ce chiffre augmente trop, c’est qu’il y a trop de travaux neufs improductifs, et l’état doit prêter une oreille plus sourde à ceux qui demandent de nouvelles lignes. Si ce chiffre reste stationnaire, ou même tend à diminuer, on peut précipiter le pas et s’engager dans des travaux plus dispendieux.

On comprendra aisément qu’il serait oiseux de faire des calculs, de décréter l’achèvement du réseau en un nombre déterminé d’années. Bien des événemens peuvent, hélas ! restreindre le crédit national, de mauvaises récoltes, des agitations politiques, des complications européennes. L’état, l’œil fixé sur le chiffre de sa garantie exigible, a le devoir de hâter ou de modérer l’achèvement du réseau ; il doit procéder avec méthode, avec prudence, et pour cela il faut qu’il tienne ses desseins à des étages supérieurs aux mesquines combinaisons des intérêts provinciaux ou individuels.

Si l’on voulait hardiment entrer dans cette voie, si l’on se décidait à fermer l’oreille à l’esprit de dénigrement qui s’attache à tout ce qui est grand, les compagnies, mieux assurées de leur avenir, feraient sans doute de nouveaux efforts pour donner satisfaction à tous les besoins du public. Si l’on fait de leur existence une continuelle bataille, il est plus difficile d’en exiger des sacrifices, des préoccupations moins égoïstes, des vues généreuses. Il est malheureusement certain que les compagnies ont semblé quelquefois traiter les voyageurs et le commerce comme des victimes plutôt que comme des auxiliaires ; l’état serait d’autant plus en droit de leur faire des remontrances sévères qu’il se montrerait plus soucieux de leur prospérité, et comment ne le serait-il, puisque ce