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ne mentent pas ; voici ce qu’ils apprennent. Tandis que la longueur de l’ancien réseau s’élevait sur la ligne de Lyon-Marseille, de 1861 à 1873, de 1,412 kilomètres à 3,722 kilomètres, le produit net kilométrique s’abaissait de 52,000 fr. à 39,900 fr., et le dividende descendait de 75 francs à 60 francs. Le chemin du Nord n’a porté son ancien réseau en dix ans, de 1859 à 1869, que de 941 à 1,066 kilomètres, et le produit net n’y a augmenté en moyenne que de 2,45 pour 100 par an. Je cite à dessein les lignes les plus riches pour montrer que les progrès de l’industrie des chemins de fer sont plus lents, plus pénibles que le public ne le suppose ; les administrations font les efforts les plus grands pour augmenter la proportion du produit net au produit brut, et c’est surtout en ce point que l’exploitation des compagnies a un immense avantage sur celle de l’état. Le gouvernement belge a dû avouer que, sur les lignes qu’il exploite, le service absorbe 70 à 71 pour 100 de la recette brute, tandis qu’en France et en Angleterre la moyenne des frais d’exploitation ne s’élève pas à 55 pour 100 ; mais, en dépit des efforts d’une administration vigilante, bien plus sévère que ne saurait être l’état, les recettes des chemins de fer ne se développent que suivant la progression de la richesse publique. Les voies ferrées ne créent pas les produits, ils en agrandissent seulement le marché. Il faut donc que la construction des chemins de fer ne dépasse pas trop rapidement le mouvement de l’épargne, que cette industrie n’absorbe pas trop vite le capital commanditaire, et qu’un gouvernement sage tienne en quelque sorte la balance toujours égale entre les besoins de la circulation et ceux de la production.

Il est bien aisé de faire des statistiques, de comparer la longueur de notre réseau à celui de pays plus favorisés : il est moins aisé de trouver dans le crédit des ressources sans limites. Les orgies de crédit sont toujours suivies de terribles réactions qui compromettent les intérêts les plus anciens et mettent le trouble dans tous les esprits. On ne fait pas violence au progrès ; l’habileté législative consiste à le rendre facile, non à le hâter au point de dépasser la mesure des forces nationales.

Si l’on jette un regard d’ensemble sur tous les projets à l’étude, on constate qu’aux 20,000 kilomètres aujourd’hui exploités le pays a intérêt d’en ajouter une longueur presque égale. On ne peut guère chiffrer à moins de 5 milliards le capital qui se trouvera ainsi engagé, mais on peut varier beaucoup sur la manière de l’engager. On peut l’éparpiller entre mille mains, ou le concentrer entre des mains habiles et puissantes. On peut le dépenser vite ou lentement. On voit les petites compagnies emprunter à 7 pour 100, tandis que les grandes placent leurs obligations à 5 pour 100. Les esprits les