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à la compagnie d’Orléans la garantie d’un minimum d’intérêt. Ce remède ne fut pas du premier coup adopté à l’état de système : on chercha d’autres moyens, on fit des prêts à diverses compagnies. L’état songea à faire lui-même des chemins de fer[1]. En 1842 enfin, on, crut avoir trouvé un système définitif. Un réseau fut tracé pour toute la France ; on s’était appliqué depuis 1839 à rechercher la meilleure division du trava.il, si je puis me servir de ce mot, entre l’état et les compagnies : au premier, on laissait l’acquisition des terrains, les terrassemens, les ouvrages d’art, les stations, aux secondes la superstructure, le matériel et. l’exploitation. La chambre entra dans ces vues, mais elle ne voulut pas que ce système devînt une règle inflexible, et réserva le droit de l’état à faire des concessions comme par le passé.

La loi nouvelle de 1842 donna une vive impulsion à la nouvelle industrie : les lignes d’Orléans à, Bordeaux, du centre, de Paris à Strasbourg, de Tours à Nantes, de paris à Rennes, furent entreprises conformément au système mixte, dont elle était l’expression. D’autres lignes en même temps se construisirent cependant par des compagnies qui prenaient tous les frais à leur charge (Avignon à Marseille, Amiens à Boulogne, Montereau à Troyes, Paris à la frontière belge, Creil à Saint-Quentin, Paris à Lyon, Lyon à Avignon, Rouen à Dieppe, Bordeaux à Cette). Le système des concessions complètes tendait visiblement à l’emporter sur celui des concessions incomplètes.

L’opinion publique se dirigeait instinctivement dans la bonne direction ; pourtant le régime des concessions fut soumis à de terribles épreuves. La révolution de 1848 désorganisa les compagnies et les remit pour ainsi dire à la merci de l’état. Ceux qui eurent pour mission, après une période néfaste pour le crédit et l’industrie, de soutenir l’esprit d’entreprise et de rendre l’activité au pays s’inspirèrent moins de l’esprit de procureur et de chicane que du désir de pousser les travaux publics avec une activité nouvelle.

Le mouvement presque fébrile qui se communiqua à cette époque à tous les intérêts fut servi par les préoccupations politiques ; on cherchait un lit régulier et fécond pour cette activité, qui après, 1848 n’avait fait que se dévorer elle-même. Le gouvernement n’avait jamais rencontré dans les chambres de résistances déraisonnables à ses projets ; mais ou voulait frapper l’imagination, populaire et l’habituer à croire que les parlemens, usés par des discussions, stériles, sont moins propres à faire promptement de

  1. Loi du 15 juillet 1840, sur les lignes de Montpellier à Nîmes, de Lille à Valenciennes.