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L'AVENIR
DES
CHEMINS DE FER FRANCAIS

Au lendemain des plus grands désastres, la France a étonné le monde par la persistance de sa prospérité. Les causes de cette prospérité sont les unes morales, les autres matérielles. Le ciel a fait beaucoup pour notre beau pays, mais on peut féliciter la nation elle-même sur son étonnante puissance d’économie, en même temps que sur l’énergie avec laquelle elle complète et perfectionne sans cesse son outillage agricole, industriel et commercial. Il était de mode à la fin du siècle dernier de jeter un voile d’oubli sur l’histoire, de considérer la société comme une sorte de ferme-école où toutes les expériences étaient faciles et permises. Cet empirisme audacieux, qui s’inspirait de la philosophie et de l’économie politique naissante, a subi bien des défaites sur le terrain de la politique ; il a trouvé partout les chaînes du passé, les souvenirs, les traditions, les instincts tendus devant ses ambitions ; les progrès de l’ordre moral ne s’accomplissent que lentement et péniblement.

Il en a été autrement dans l’ordre matériel : s’il y a eu une vraie révolution, c’est là surtout qu’elle s’est faite ; c’est là que l’empirisme s’est trouvé en face d’objets nouveaux, et que de véritables créations ont pu être accomplies. Et là même le génie particulier des peuples a pu se révéler. En présence de problèmes partout identiques, il a inspiré des solutions diverses.

Les chemins de fer sont une partie aujourd’hui essentielle de l’outillage industriel et commercial des nations : la civilisation ne se comprend plus sans ce mode de locomotion, inconnu à nos pères, qui centuple les forces sociales. Si Pascal a dit des rivières que ce