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furent l’occasion pour le savant d’abondantes récoltes de plantes et d’animaux, pour Mme Agassiz d’une foule d’observations sur la beauté des sites, sur la vie domestique et les coutumes des habitans, sur les exploitations agricoles, qu’elle racontera plus tard avec une grâce infinie. Vers la fin de juillet, toutes les dispositions étant prises en vue de l’exploration de l’Amazone, on s’embarque. On touche à Bahia, à Pernambuco, à Maranham ; partout le professeur de Cambridge reçoit des autorités les plus chauds témoignages de sympathie, de quelques personnes de distinction l’hospitalité la plus aimable. Par une délicieuse matinée, les voyageurs apprennent qu’ils naviguent sur l’Amazone ; ne pouvant apercevoir les rives trop lointaines, ils se croyaient encore sur l’Océan. Enfin on aborde à Para ; un notable personnage de la ville attendait le célèbre naturaliste, il lui offre sa maison et de vastes salles pour l’installation de laboratoires. Agassiz entreprend une reconnaissance de la rade ; il revient profondément impressionné de la grandeur de l’entrée de l’Amazone et de la beauté de ses îles : un archipel dans un océan d’eau douce. Toujours en quête de la population aquatique, il suit les Indiens à la pêche et choisit les poissons à sa convenance. En une semaine, il en recueille plus d’espèces, dit-il, qu’on n’en a décrit de tout le bassin de l’Amazone. Avec une joie inexprimable, il observe les ébats du singulier poisson connu des zoologistes sous le nom d’anableps à quatre yeux. Les anableps ont la pupille divisée par un repli membraneux, et ainsi des yeux doubles qui permettent de voir à la fois dans l’air et dans l’eau ; ces poissons se réunissent par bandes à la surface de l’eau et avancent par des sauts multipliés.

Un beau navire avait été mis à la disposition des explorateurs pour remonter le grand fleuve de l’Amérique du Sud ; le chef de l’expédition pourra donc s’arrêter et séjourner à sa guise dans les endroits qu’il jugera le plus propices à ses études. Passant entre les îles dont est semée la rivière de Para, c’est un perpétuel enchantement pour les voyageurs. La végétation est plus belle et plus riche encore que dans la province de Rio-Janeiro ; le palmier assahyi domine par la taille ; svelte, élégant, paré des touffes de ses fruits, semblables à des baies que surmonte un panache de feuilles légères, il produit le plus ravissant effet. Voici la petite ville de Brèves, ce sera la première station ; ici, comme dans toute la partie Inférieure du cours de l’Amazone, la population offre, à côté du plus pur type indien, l’exemple du mélange complet des races blanche, rouge et noire. On a su parmi les habitans à quelles recherches se livraient les visiteurs ; animés de l’espoir d’une bonne aubaine, les enfans de l’endroit se sont au plus vite mis en