Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/562

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’organisation et du développement des êtres ; par leurs découvertes, la science s’est transformée et a pris un caractère, de grandeur tout nouveau, mais en même temps ont été beaucoup délaissées les patientes études qui ont justement fait la gloire de quelques maîtres du dernier siècle. Parmi les zoologistes modernes, nous ne reconnaissons pas un Réaumur, pourtant, comme le dit excellemment le professeur de Cambridge, sans la connaissance parfaite des mœurs des animaux, il sera toujours impossible de déterminer d’une manière précise les limites de la variation des nombreuses espèces que la zoologie descriptive a enregistrées. Il faut souhaiter que des naturalistes reviennent aux études pleines de charme et d’intérêt sur les mœurs, les habitudes, les instincts des animaux ; les progrès de la géographie physique, de l’anatomie, de la physiologie, de l’embryologie, suggérant des vues neuves, l’observation comparative de toutes les circonstances de la vie des êtres doit apporter une infinité d’informations précieuses. Les rapports entre les individus conduisent Agassiz à formuler sa pensée sur les phénomènes de l’ordre psychologique. Que les animaux se battent, qu’ils s’associent pour un but commun, qu’ils s’avertissent d’un danger, qu’ils viennent au secours l’un de l’autre, qu’ils montrent de la tristesse ou de la joie, ils manifestent des mouvemens de la nature de ceux qu’on met au nombre des attributs de l’homme. L’illustre savant reconnaît chez les animaux autant d’individualité qu’il en existe chez l’homme. « C’est là un fait, dit-il, dont peut témoigner tout chasseur, tout dompteur, tout éleveur, tout fermier possédant une longue expérience. Cela dépose fortement en faveur de l’existence chez tout animal d’un principe immatériel semblable à celui qui, par son excellence et la supériorité de ses dons, place l’homme si fort au-dessus des animaux. » La condition particulière des individus des deux sexes entraîne l’auteur dans une analyse profonde d’impressions physiques et de sentimens.

Les phénomènes du développement des êtres transportent Agassiz dans une sphère de hautes pensées. Au début de sa carrière, il a vu naître l’embryologie ; étudiant à Munich, il a reçu sa première initiation à cette science dans la maison de Döllinger, le maître qu’il ne cessera de vénérer ; de bonne heure il a connu l’importance de la découverte, par Ch. de Baer, d’un mode particulier de développement pour les vertébrés, pour les annelés, pour les mollusques, pour les zoophytes. Plus tard il a été frappé de la multitude de faits dévoilés sur les premières phases de la vie, mettant tout à coup en évidence le caractère jusqu’alors méconnu de nombreux types du règne animal. Il demeure « convaincu que l’embryologie fournit la mesure la plus exacte pour déterminer les rapports des animaux entre eux. » D’autres naturalistes pourraient ne pas se