Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 10.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

classification en histoire naturelle. A cet égard, les divergences d’opinion ont été sans nombre ; avec les progrès de la science, elles se sont fort réduites, mais néanmoins la notion des divers groupes admis par les zoologistes ne se présente pas encore avec un caractère de rigueur si évident que la controverse soit devenue impossible. Il faut donc de nouveaux efforts pour mettre la vérité en pleine lumière. Profondément émerveillé de l’admirable harmonie de la nature, Agassiz voit un plan conçu par une intelligence suprême. Dès le moment où les plantes et les animaux fixèrent l’attention, les investigateurs reconnurent la nécessité des classifications, considérant tout arrangement comme un artifice indispensable pour rendre facile l’étude d’objets innombrables. Avec le progrès des connaissances, les naturalistes manifestent de plus hautes visées ; ils entendent exprimer l’idée qu’ils conçoivent des rapports naturels qui existent entre les êtres. Seule, cette pensée domine lorsque, par un trait de génie, Laurent de Jussieu groupe les plantes d’après l’ensemble des caractères. Cuvier n’hésite pas à déclarer qu’une classification parfaite serait le tableau exact de la nature. Néanmoins, la difficulté d’atteindre la perfection étant extrême, des idées très nettes dans l’esprit de quelques maîtres n’ont pas toujours été comprises ; l’importance de la classification a été souvent méconnue. En présence de la diversité des systèmes, ceux qui ne peuvent juger des qualités et des défauts n’entrevoient guère autre chose que des conceptions toutes personnelles. Agassiz s’efforce de réagir contre un pareil sentiment ; d’accord sur ce point avec plus d’un naturaliste, il veut convaincre que, la classification devant être l’expression fidèle des ressemblances et des dissemblances entre les êtres, il y a grand intérêt pour la science à poursuivre le but. Heureux ou habile, l’investigateur ne saurait rien tirer de lui-même ; simplement il pénètre le plan de la création.

Le professeur de Cambridge regarde comme à peu près incontestée « l’existence dans la nature d’espèces distinctes persistant avec toutes leurs particularités. » Sans doute l’immutabilité des espèces a été mise en question, mais il s’y arrête à peine ; d’un côté, il discerne le résultat d’études patientes, de l’autre il n’aperçoit que le rêve. Au-delà de l’espèce, la confiance dans la réalité des divisions admises par les zoologistes est restreinte. Qu’on demande si les genres, les familles, les ordres, les classes, ont dans la nature une existence comparable à celle des espèces, peu d’auteurs se montreront absolument affirmatifs. Agassiz ne doute pas de cette existence, — comment en effet pourrait-on croire d’invention humaine la classe des mammifères, la classe des oiseaux, la famille des perroquets ? Suppose-t-il qu’un seul insecte ou qu’un seul crustacé tombe sous l’observation, il sait que le plan de la structure de