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souscriptions répondent à l’appel de l’auteur. Rien ne témoigne mieux de la popularité dont jouissait Agassiz et du sentiment patriotique des Américains quand il s’agit d’une œuvre dont le pays pourra se glorifier.

En 1857 parut le premier volume de l’ouvrage sur l’Histoire naturelle des États-Unis[1]. Il s’ouvre par une longue introduction où l’auteur expose ses vues sur le règne animal et sur la classification. Nous avons vu Agassiz en pleine jeunesse conduit par ses études personnelles à reconnaître dans certaines limites les formes de la vie sur le globe pendant les âges reculés et à les suivre jusqu’à l’époque actuelle ; à présent, s’il a continué d’observer la nature, il a aussi beaucoup médité sur l’ensemble des faits acquis à la science par tous les investigateurs du siècle, il donnera donc un aperçu général en recourant à toutes les sources, de façon à faire apprécier l’état de cette grande science qu’on appelle la zoologie.

L’introduction à l’ouvrage sur l’Histoire naturelle des États-Unis révèle les pensées du savant parvenu à la maturité ; avec calme, mais non sans chaleur, les faits sont discutés dans l’unique dessein de dégager les lois générales. Aussi, même lorsque l’auteur accueille simplement les idées d’autrui, la science doit encore en tirer profit ; la valeur de ces idées se trouve une fois de plus affirmée par un grand savoir et une raison éprouvée. On ne connaîtrait point vraiment l’illustre naturaliste, si l’on se bornait à s’occuper de ses recherches, de ses observations, de ses découvertes ; il y a dans l’homme, outre l’investigateur habile et perspicace, le judicieux philosophe de la nature. Les vues sur le règne animal du professeur de Cambridge appellent l’attention de tous les esprits cultivés. — En Europe, quand il s’agit d’un sujet d’ordre élevé, on ne s’adresse qu’aux esprits très instruits ; en Amérique seulement on s’adresse à la foule. Une citation permettra d’en juger. L’introduction à l’histoire naturelle des États-Unis fut publiée en Angleterre sous le titre d’Essai sur la classification[2]. Dans une préface, Agassiz, prenant soin de rappeler qu’il a écrit le livre en Amérique et pour des Américains, ajoute : « Le public de ce pays n’est pas le même que le public d’Europe. Il n’y a point aux États-Unis une classe de lettrés séparée et distincte du reste de la nation. Au contraire le désir de l’instruction y est si général que je dois m’attendre à être lu par des ouvriers, par des pêcheurs, par des laboureurs, autant que par des étudians ou des naturalistes de profession. » Quelle leçon pour nos hommes politiques !

Avant tout, Agassiz s’occupe de la manière d’envisager la

  1. Contributions to the natural History of the United States of America, in-4o. Quatre volumes ont été publiés.
  2. Essay on classification, London 1859.