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II

C’est plaisir de voir comme on aimait à recourir aux lumières d’Agassiz, La Floride, on le sait, est bordée de récifs de coraux ; on s’inquiétait de savoir de quelle façon la péninsule s’étend toujours vers le sud par la formation successive de bancs de coraux et de nappes de vase. À la demande du surintendant du service de l’inspection des côtes[1], M. Bache, le professeur du collège Harvard fut chargé de cette étude, pour lui d’un nouveau genre. Il passa l’hiver de 1850 au milieu des récifs de la Floride, Rappliquant à découvrir la loi de croissance des diverses sortes de coraux. La pointe la plus méridionale de la péninsule est entourée de quatre récifs séparés par des canaux assez profonds : aussi l’investigateur pourra montrer que nulle côte ne serait plus sûre pour la navigation, si elle était parfaitement connue. Au voisinage du cap Floride, le récif extérieur est formé de coraux vivans, Peu au-dessous de la surface se trouvent les madrépores, à un niveau inférieur les polypiers, qu’on désigne sous le nom de méandrines, et plus bas les astrées. Chaque type vit et se multiplie dans une certaine zone ; en dehors des limites de la zone, il meurt. Les madrépores constituent de vastes champs qui offrent, remarque Agassiz, un merveilleux spectacle. Des branches puissantes se ramifient, s’enchevêtrent et s’étalent d’une façon régulière ; on croirait voir un feuillage déchiqueté. Les madrépores descendent à peine à 2 ou 3 mètres ; là, on commence à rencontrer d’autres espèces. Lorsque ces polypiers atteignent la hauteur qu’ils ne doivent jamais dépasser, après les animaux, — vers et mollusques, — qui se sont établis entre les branches s’accumulent sur les sommets des matériaux de tout genre. Les fragmens de coraux brisés par la violence des vagues, broyés sur les graviers ou contre les roches, se réduisent en poudre et se déposent entre les rameaux ; mélangée à des matières en décomposition, cette poudre forme des couches compactes qui ne cessent d’élever le récif.

Agassiz, ayant déterminé avec rigueur la croissance annuelle des différentes espèces de coraux, se voit en mesure d’affirmer que le banc qui du fond de l’océan s’élève à la surface des eaux ne s’est pas constitué en moins de plusieurs milliers d’années. Assuré que la formation des quatre récifs de la pointe méridionale de la Floride a été successive, l’investigateur est amené par l’évidence à conclure que l’origine première de ces bancs remonte à une centaine de milliers d’années. Alors se dégage une vérité impossible à

  1. United States Coast Survey.