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politique religieuse de M. de Bismarck. D’un autre côté, le sentiment d’indépendance locale a souffert à mesure que se sont révélées les conséquences des récentes transformations. La Bavière n’a connu les avantages de la guerre que par les sacrifices qu’elle a faits, par des surcroîts de charges militaires et d’impôts. Les populations ont été atteintes dans leur bien-être ; on a pu leur montrer cette prestigieuse résurrection de l’empire comme une combinaison allant aboutir, malgré l’indemnité de cinq milliards, à un prochain déficit de budget, c’est-à-dire à la nécessité de contributions nouvelles. Tous ces griefs réunis étaient certainement de nature à parler aux imaginations et à former un programme d’opposition redoutable. La vérité est que cette opposition n’a fait que grossir depuis quelques années, recrutant tous les instincts hostiles, les croyances et les intérêts qui se sentaient menacés. Qu’elle affecte un caractère particulièrement catholique, ce n’est pas bien étonnant dans un royaume où les catholiques sont au nombre de 3,400,000 sur une population de près de 5,000,000 d’habitans ; en réalité cependant, elle n’est pas exclusivement catholique, elle compte des adhérens, même des hommes considérables parmi les protestans, qui forment ce qu’on appelle le parti « national-conservateur. » Appuyée sur les masses, armée de griefs qui touchent l’esprit populaire, cette opposition aurait certainement les plus grandes chances, si, au lieu de l’élection à deux degrés, il y avait le suffrage universel direct.

Le parti national-libéral est moins nombreux sans nul doute ; mais il a pour lui d’abord la force des événemens, la nécessité de la situation, le courant de l’esprit unitaire allemand, le poids des influences de l’empire. Il a aussi pour lui incontestablement l’appui du ministère, dont M. de Lutz est le vrai chef et l’inspirateur. Le ministère a certes inscrit de belles paroles dans le décret qui dissout la chambre ; il a recommandé à toutes les autorités de protéger la liberté des électeurs, de diriger les opérations du scrutin avec la plus stricte intégrité. Seulement il a pris soin de préparer le terrain électoral en commençant par mettre en pratique un système dont l’empire a eu l’initiative et le privilège en France ; il a découpé les circonscriptions, détachant les districts ruraux des centres urbains comme Munich, Passau, Ratisbonne, Augsbourg. C’est ce qui s’appelle rétablir ingénieusement les chances entre les partis. Des deux côtés du reste on ne se fait faute de programmes, d’invectives, de déclamations furibondes. Les catholiques se déchaînent contre le militarisme, contre les impôts, contre les persécutions religieuses, contre « l’empire protestant » que l’ambassadeur d’Allemagne en Angleterre, le comte de Munster, préconisait récemment dans un banquet de Londres. Ils disent avec un de leurs principaux représentans, M. Jœrg, le directeur des Feuilles historiques et politiques, « nous voulons être catholiques et Bavarois, non protestans et Prussiens. » Les libéraux, à leur tour, fulminent contre les