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tent la politique partout, veulent maintenant nous prouver que nous venons d’assister à une représentation de haute diplomatie donnée par les héritiers de toutes les couronnes autour d’un catafalque. Le prince impérial d’Allemagne, le grand-duc héritier de Russie, le prince Humbert d’Italie, se sont en effet rendus aux funérailles, ils se sont rencontrés à Vienne, et il est bien clair que c’est là une manifestation nouvelle de l’alliance des empereurs et rois de l’Europe. C’est un gage de l’alliance dans l’avenir comme dans le présent ; évidemment, les princes héritiers ont dû aller tout exprès à Vienne pour se jurer mutuellement, par les mânes de l’empereur Ferdinand, qu’ils seront toujours d’accord ! Rien de mieux en vérité. Les Allemands, qui saisissent toutes les occasions de donner un certificat de longue vie à une alliance dans laquelle ils voient leur œuvre et leur garantie, les Allemands se trompent étrangement, s’ils croient émouvoir ou piquer la France en lui montrant tantôt les entrevues de Berlin, tantôt les entrevues de Vienne ou le prochain voyage de l’empereur Guillaume à Milan. Les entrevues, les fêtes princières, ne changent pas la nature des choses ; les mirages s’évanouissent, les affaires restent avec les embarras pour tout le monde, et, sans rien exagérer, on peut dire que les élections qui se préparent en Bavière, qui commencent demain, sont pour le moment une des affaires sérieuses de l’Allemagne.

Le parlement bavarois qui va être renouvelé est celui qui avait été élu en 1869, qui a voté la participation de la Bavière à la guerre de 1870, qui a sanctionné la reconstitution de l’empire germanique. Maintenant que les fumées de la victoire sont un peu dissipées, que les effets de la guerre se font sentir et que des questions nouvelles se sont produites, la situation s’est singulièrement modifiée et compliquée ; une certaine réaction s’est organisée de façon à rendre quelquefois le pouvoir difficile au ministère libéral qui gouverne depuis sept ou huit ans, et, dans ces conditions, le mouvement électoral qui touche aujourd’hui à son terme présente incontestablement un caractère particulier de gravité. Les partis sont violemment dessinés, tout le monde s’est jeté dans la mêlée, à commencer par l’épiscopat, par l’archevêque de Munich, dont le manifeste, sous forme de lettre pastorale, a eu un grand retentissement. En définitive, la lutte est engagée entre les catholiques, autonomistes ou « particularistes » de toutes nuances, dont le mot d’ordre est la résistance à la politique prussienne, et les libéraux-nationaux qui suivent au contraire l’impulsion de Berlin.

Le parti catholique « particulariste, » comme on l’appelle dédaigneusement à Berlin, « patriote, » comme il se nomme lui-même, ce parti n’est pas né précisément de la guerre de 1870 : il avait commencé à se manifester dans le parlement à la suite des événemens de 1866 ; mais c’est surtout après 1870 qu’il a grandi et s’est fortifié en présence de la